YDIT-suit: Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 85/99, Chapitre 28, début. Corso Ercole d’Este I, 33, 44121 – Ferrara. MLS Home gallery.

La vieille concierge de la Maison Bassani ne m’a pas découragé, pas davantage que celle d’avant-hier ( déjà? Ou même encore plus tôt ? Les temps de la visite, du roman, puis du récit en feuilleton se superposent ! FERRARA toujours dans cette forme maline de présence-absence?) la gardienne vite disparue au cimetière hébraïque.

A présent, aujourd’hui, dans le vrai du vrai de mon séjour d’été à FERRARE, après le retour au creux du jardin à la fois rose et désert, The Silvia B. garden, il est bientôt l’heure de mon dernier rendez-vous (sinon l’ultime), à quelques dizaines de mètres d’ici (mais à FERRARE, on l’a compris, tout est à portée de courtes enjambées).

En franchissant le corso Giovecca à partir duquel commence l’autre moitié de la ville, l’Extension, comme les africaines ajoutent des mèches colorées à leur chevelure naturelle, on est à la fois dans le blanc et dans le noir. Je ne retournerai plus « de l’autre côté », la moitié vive aux quartiers solitaires et médiévaux, entrelacs de mémoire et d’imaginaire, sinon pour les adieux au jardin. Ici, dans cette portion aérée, rectiligne, arborescente, plantées de nombreux palais et d’agréables parcs, des deux cimetières, le chrétien et l’hébraïque, et de jardins qui ne furent jamais en réalité le territoire des Finzi-Contini , le visiteur marche dans une autre Ferrare, confortable et un peu pédante, cossue et un peu morte, artistique et un peu désuète. Bassinienne,en somme.

Le contraire, on perçoit bien que c’est le CONTRAIRE, comme dans la vie on sent l’INVERSE, oui, mais de quoi ?

Corso Ercole d’Este, 33, 44121 –Ferrara. MLS Home gallery, c’est là que m’envoie Silvia, chez sa sœur, pour me faire plaisir, parce que j’ai dit mon goût de l’art contemporain et des galeristes, pas seulement la belle Erika de Mantoue

(on s’en souvient? l’hôtesse aux trois bouteilles dans le frigo et aux cinq images nues dans le tiroir?)

Silvia me conseille la galerie MLS Home, aussi pour qu’un visiteur de plus connaisse l’endroit dont elle est fière, visiblement, et probablement pour que j’y achète une pièce : Silvia, bien sûr, a repéré ma façon de considérer l’argent comme un non-sens, avec distance et indifférence. Puis, à l’Agence, une petite notice bien menée, catégorie « marché de la culture », ils ne rechignent pas, les Juniors, ça fait chic. Ils ont fait des Ecoles. Des grandes. Du coup, ils ne lésinent pas sur mes honoraires, (mes gages de Scapin ?) si j’ajoute la « Kulture Touch ». Toujours signature « French », la Kulture.


C’est un immeuble de grande classe, portail de bois ouvragé, ancien.
On n’est plus à Mantoue : pas de brocanteur équivoque au rez-de-chaussée ( les débuts du commerce d’Erika, vous vous souvenez?) la galerie tient sur un étage unique, l’étage noble du premier, dont elle occupe tout l’espace. Deux, peut-être trois appartements d’abord aristocratiques puis bourgeois – Juifs? Non, pas dans ce quartier tout de même, sauf les grandes familles presqu’aristocratiques, tels le Finzi-Contini- trois appartements ont été réunis. Se succèdent ainsi les salles pour les accrochages et des couloirs, jadis de service, conduisant à des espaces inhabituellement dévolus à une exposition, réaménagés avec astuce, comme deux cuisines, chacune ne recevant que trois ou quatre œuvres d’un artiste. Un vieux mur abattu forme un bar à battants. Asssonance et Alexandrin (avec synérèse…) quel junior pour en repérer le corps? On accède tout de même à une sorte de vaste soupente.
La famille au quotidien habite ici, même la chambre expose des œuvres, adaptées au contexte. Deux fillettes (en vacances ?) de dix à treize ans traversent le palier au parquet brun, accompagnées d’un gardeuse d’Elles.

ET je me souviens soudain de cette étudiante, j’avais à peine trente ans et donnais alors quelques cours à Paris III, fin des années soixante-dix. Une grande brune plus qu’agréable, et qui n’aurait pas détesté qu’on dînât ( dit-on d’un barbu barbon), pour partager un bavardage et sensiblement plus si affinités, elle ne s’en cachait pas, l’époque voulait cela, et elle le voulait bien plus près, le chargé de cours. Mais je me disais que passer d’abord (usage courtois) la soirée à parler de son Papa journaliste et de notes pas si bonnes au partiel, en croquant une pizza quatre saisons chez Pizza Pino, ou discuter de Guevara et Oncle Ho chez le chinois rue saint Séverin, « La voie du Lotus », puis recommencer (on était là pour ça, au début à peine, l’heure des babioles) reprendre au petit déjeuner, « Ma grande qu’est-ce que tu bois le matin, café ou thé, plutôt chocolat et tartine Nutella sûrement ? » Croissants surgelés, pas envie de m’habiller pour descendre chez le boulanger du coin, et barbouillée de confiture oranges amères, la voici qui persévère dans le babillage; elle dit – juste habillée à tort d’un mousseux string sensuel et sombre ( noir? difficile à dire, elle-même se vêtant à cru d’une toison si brune) habillée de son peu d’étoffe et d’une brève odeur de sueur érotisée par la nuit :« Tu crois pas que je devrais choisir l’option Anglais renforcé, mais le prof a l’air pas très bon, c’est XYZ, tu le connais ? » La séquence aurait été résolument au-dessus de mes forces, sinon de ses fesses, et pour les temps et les temps. Avec l’âge, ça ne s’est pas du tout arrangé, la distance avec les jeunettes, creuses sous leurs pleins. Donc, pas d’histoire universitaire, ce qui a au moins le mérite parfait d’éviter les remords. Entre temps, sur la palier de la Home Gallery, les deux filles et leur Gardeuse d’Elles ont disparu.

Je frappe trois coups.


«  …home gallery, a space where the boundary between the private and the public spheres is blumed into a thin wall of air(…)Every inauguration counts up to 300 guests. And many more are the those missings but nevertheless present.(….)MLS is constantly arranging exbibitions inspired by the ones running at the nearby Palazo dei Diamanti, although with a modern outlook. The artists hosted at MLS are therefore invited to produce site-specific projects along the same themes of the big exhibits while at the same bringing them up to date”.
A peine la double porte de chêne vieilli ouverte, un quasi quinquagénaire très en forme, pantalon chino anthracite, taille svelte, chemise coton col tunisien haut de gamme, très très blanchée, du genre à être changée trois fois par jour, main tendue et presque déjà l’autre familièrement sur l’épaule.
Tout commence par une grande pièce au plafond fait de caissons à la française, largement surdorés (clin d’œil à La Renaissance), dominant de sa grande hauteur un espace vide, dont deux murs en angle présentent un rebord inférieur, dix ou quinze centimètres de large à un mètre vingt du sol. Y sont juxtaposées, dans une très belle succession d’échos et de ruptures, des œuvres (sculpture verticale très parallélépipédique, tableaux, photographies encadrées, toujours sur de formats plus hauts que larges et des couleurs en contrastes mesurés). On est bien chez de riches amateurs. Deux ou trois piles étroites de ces petits livres d’art édités par MLS home galery soi-même, qui, de hauteur variable, donnent le rythme à l’ensemble. Deux canapés de cuir grège cossu ferment les deux autres angles de la pièce, non pas posés contre le mur, mais assez distants pour permettre, derrière eux, le passage du visiteur, présumé acheteur, qui – s’approchant, constate que les piles de livres d’art ne sont pas en vente à l’unité mais forment chacune d’entre elles une œuvre à part, une pile d’apparence badine cependant détournée par Sarah Berstein : collages, découpes de reliures dans les angles, caviardages de titres, introduction d’œuvres discordantes, telle une édition viennoise de « Histoire de l’œil » au titre très ironique, dans la série « Regards d’Aujourd’hui » – majuscules en enluminures.

Tout cela nous fait gagner du temps avant la nécessité du départ, l’avion à Bologne, demain et encore davantage pour le récit, et son inéluctable dénouement, fin juin. Well done, Mortimer.

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Didier Jouault pour :YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 85/99 , Chapitre 28, début . Corso Ercole d’Este I, 33, 44121 – Ferrara. MLS Home gallery. A suivre… le 14 mai.

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