YDIT-BLOG, nouvelle saison, saison 4, Episode NEUF : « Certaines, je ne les ai même jamais vues » (O. ROLIN)

INCIPIT : On aurait pu commencer ainsi : « Les bras croisés sur la poitrine et les lèvres entrouvertes, elle s’est endormie »( Frédérique CLEMENCON, « Colonie », Les Editions de Minuit, 2003).
Mais on a choisi ça :

« Les crabes sortirent de tous les trous du sable gris volcanique, tapissé de feuilles mortes, et se regroupèrent en colonnes serrées ». (Maryse Condé, Les derniers rois mages, Mercure de France, 1992)

Note de Madame Frédérique  :

Il n’est pas impossible, après tout, que ce feuillet ne se trouve plus à la place qui semble avoir été la sienne dans la fatras où j’essaie de suivre une logique,– si l’on se rapporte à une chronologie probable et pertinente de rédaction. Mais il se peut également qu’il s’agisse de l’un de ces effets d’écho (ou de rappel, je ne sais comment cela se nomme) qu’on peut observer dans le déroulement du texte (dans la succession des fragments). Ce qu’attesterait la « reprise » à l’identique d’une citation du fameux Rolin ( que je peine à lire : trop de regards sur trop de femmes, est-ce amour immodéré ou insolent irrespect ? Quoi qu’il en soit, fidèle à ma politique de non-intervention, je donne ce feuillet ici tel quel.)

LETTRE de A. Version B. Ydit mène une existence de privilégié, on s’en doute.

Jadis, longtemps, il n’y avait pas du tout d’argent pour la famille et YDIT, à l’époque de l’enfance, aux temps ouvriers. Il ne s’agissait pas de misère, rien que de pauvreté. On n’avait jamais faim – pommes de terre et vague lard de fin de marché. Mais on craignait l’arrivée du froid, que ne parvenait à combattre l’unique cuisinière à charbon de l’appartement. Le pire était les toilettes à la turque sur le  palier, sauf qu’on y croisait de temps en temps de vieux voisins graves, exceptionnelle opportunité de socialisation.

Il est dangereux de se souvenir de ce faux détail : le seul personnage un peu aisé dans l’entourage était Marcel Malbée, dit MM, Le Parrain, Die Pate. Appartement chauffé (pas besoin de ce petit pyjama bleu et rouge, ou blanc et vert, ou bleu et jaune ?), meubles paraissant presque en bon état même si d’un goût désastreux, statuette de faux bronze  reproduisant mal un David paraissant mieux fourni que l’original ( mais YDIT ne connaissait rien de  l’original, ni des canons de la sculpture, ni des étals de marchands aux Puces où l’on pouvait trouver des modèles un peu «  ajustés » aux goûts du connaisseur).

Et surtout, un jour, la 4CV Renault bleu clair, intérieur faux cuir rouge, authentique luxe.

Ce soir, après le dîner, dans l’appartement bien chauffé, verre  de Mac Allan à portée de main,  YDIT  encore cette fois hésite entre deux façons de passer les attentes qui se profilent à l’horizon de l’absence de sommeil. Toujours le sommeil fuyard. Dérouler l’heure qui vient n’est plus projet, plutôt un défi.

On pourrait alors continuer le visionnage de « Glissements progressifs du plaisir », trouvé sur un site étrange où les images sont de mauvaise qualité (on a même rencontré le film dans une version indienne sous-titrée en anglais : superbe gourmandise comme seuls les attentes de la nuit et les Réseaux peuvent en offrir).

Mais, dans « Glissements progressifs du plaisir », hormis les corps de jeunes actrices et les étonnantes peintures que leur impose l’auteur ( on verra que FRED ainsi agit sur le corps de ERIKA : enluminures sur le texte du désir, mais pas cette année sans doute, pas avant 2025 : le roman-images avance trop lentement, c’est délibéré ) ; hormis l’infinitésimale diction de Jean-Louis Trintignant ; hormis la délicieuse onctuosité de Michael Lonsdale,

ce qui intéresse bien sûr est le second  degré, enfin le second degré aujourd’hui, qui ne fut pas dénué de  pontifiante certitude lors de la sortie, tout cet attirail de formes, ces  figures de style, que Robbe-Grillet introduit dans chaque plan : marée, plage, corps,  lits de jeux, lits poussés sur la sable comme des brouettes à goémon, mais ce sont des mannequins démembrés qu’on met à l’eau, à l’air, et lits en feu, peintures et  anacoluthe et métalepse, entre autres. On a aimé tout cela, et ça bimbelotise tellement aujourd’hui.

Les héroïnes sont vêtues d’une simple chemise d’homme, l’une rose, l’autre bleue, posées sur une plage déserte où monte une mer sans pitié et sans ardeur, dans l’atmosphère effrayante construite par le confesseur Lonsdale…Bref tous ces montages et démontages du langage qui conduisaient le spectateur curieux (aussi agacé) à réviser son traité des Tropes avant de payer sa place au cinéma. Nous avons été beaucoup à aimer ce fer-blanc dézingué, mais Septante et davantage étant venus, les Tropes prennent la fuite…


A présent, YDIT  fait à nouveau le choix d’attendre l’espérance de la nuit en la balisant de l’écriture, la meilleure façon de se suspendre, de s’écarter. Sans apprêts sinon sans après. Sans ruses et sans calcul.

Se suspendre aux mots, mieux que se surpendre aux arbres.

Juste cela : l’écriture pour monter sur les genoux la colline vers la nuit. Pénitent gris ?

En somme, « ça » recommence. On veut s’en plaindre ?  Il faut s’adresser à  qui vous savez : Rolin, Olivier, prix Femina : sérieux. Tout ça pour aller à la chasse au MM dit Le Parrain. Naturellement, comme ici est un récit, à toutes fins utiles, on va y parvenir, au Parrain. Le retrouver vivant. Vieux, sale, décharné, mais vivant. Le tenir là et faire disparaitre Marcel Malbée.

Mais ça va prendre du temps : la vie est un long détour par des labyrinthes. C’est compliqué,  les labyrinthes : instables et fuyants, joueurs (dirait-on) comme de jeunes chiens.

Rolin en est familier, de ces matins si petits qu’on les dirait invisibles, et cependant ils sont immenses : trop, vraiment trop bu la veille, ou trop parlé, ou trop lu, ou trop tardé en marchant dehors, ou trop usé des corps. Au lever, cette lenteur des malades même pas convalescents, les malades sans rémission : absence de réaction rapide, aucun muscle solide. Dans la tête comme un voile, entre l’idée mal venue et la parole mal enracinée, la lenteur prudente des malades, ceux qui espèrent guérir. Mais tout le monde sait que rien ne va guérir. Pas comme ça. Olivier Rolin le sait, non, Olivier, vous le savez ?

Lui aussi attend l’espérance de la nuit, sans trouver la chemin du sommeil.

Cette nuit, le temps voisin était à l’orage, et YDIT relisait Rolin, comme on a dit. Le temps à l’orage étrange des outrages qui surnagent. Plus loin sur la  terrasse, ou ailleurs dans l’hôtel, les autres du week-end sommeillaient, écoutaient du jazz à travers les Ipod, feuilletaient des revues d’actualité- comme si l’actualité ne collectionnait pas que les feuilles mortes, toujours.

FRED – on va la connaître, patience dans l’azur- FRED lui passe le bras autour des épaules, geste  familier. C’est tendre et protecteur, YDIT aime ça, parce que l’imprévu est souvent douloureux, et que FRED sait comment prévenir l’imprévu. Même si, comme ce soir où il attend la nuit, et rien d’autre, FRED n’est que mémoire vive.

Oui, pour longtemps, 180.000 à 190.000 mots, peut-être, on recommence. Même 200.000? Pourquoi pas ? Crédit ouvert. Roman. Images. Prendre le temps, mais à revers.

«  Il y aura, je le pressens, pas mal de portraits de jeunes filles, beautés entrevues, touchantes, dans ce livre qui commence (car il a bel et bien l’air de commencer). Dois-je m’en excuser ?

C’est ainsi…rien dans le châtiment immense du monde ne m’a plus ému, rien, même pas la beauté de l’art, de certains tableaux, certaines pièces musicales que j’ai écoutées…Certaines, je ne les même jamais vues. » 

(Olivier Rolin, « Extérieur-monde« , ed. Folio, p.22-23)

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 YDIT-BLOG, nouvelle saison, saison 4, Episode NEUF: « Certaines, je ne les même jamais vues » (O. ROLIN). A suivre …mais on a compris le principe, aperçu la trame, repéré la construction. Donc,on devine : prochain épisode  (numéro DIX) : présentation de Fred. Tout cela peu à peu s’installe, s’étale. Et continue mercredi prochain, scones et thé même en automne : le 15 novembre. 

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