YDIT-BLOG, nouvelle saison, saison 4, Episode SIX : noué du col au bout de sa branche.

INCIPIT : On aurait pu commencer ainsi : « Cela faisait quelque temps que nous envisagions de reprendre notre échange autour d’un thème paradoxalement peu abordé dans Une autobiographie allemande, la littérature » (Hélène CIXOUS/ Cécile WAJSBROT , « Lettres dans la forêt », L’extrème Contemporain, 2022)
Mais on a choisi ça :

Note (brève pour une fois ) de Madame Frédérique, ex-assistante, dépositaire du paquet envoyé par un ex-patron nouvellement disparu : « Lettre de A. Version B » :

Y.d’I ( je préserverai son anonymat, ceux qui le connaissent le reconnaissent) précisait, sur un post-it rose un peu décollé, dont le texte semble repris dans le corps de « Lettre de A. » : 

« Rien de tel qu’une parodie affectueuse pour commencer. Pour recommencer, après tous ces temps de silence en ligne. BOB et MORANE. Le VIEUX SAMUEL. N’aurait pas été content, The Old Sam, de ce verbiage caqueté. Tant pis. c’est ainsi. »

TEXTE de YDIT , « LETTRE de A » ,version B.

Rien de tel qu’une parodie affectueuse pour commencer. Pour recommencer, après tous ces temps de silence en ligne. BOB et MORANE. Fin de partie, Septante et davantage étant venus. Bob MORANE, de Henri VERNES, lecture des treize ans, année des premiers titres, sans doute aussi l’époque (finissante bientôt? Le gamin grandissait trop ? La puberté peu à peu épaissit les aplats ?) l’époque ou s’achevait ( enfin ! ) le temps de ce DIE PATE, Marcel Malbée, qu’on s’attend à voir surgir, qu’on s’attend à entendre- mais qui diffère sa différence ?  » Je suis content de te voir« , proférait-il chaque dimanche pour le déjeuner famililal. Te voir, et pas que. Bob MORANE et l’Ombre Jaune, image du mal. BOB et MORANE et DIE PATE, image de quoi ? De l’erreur consentie ? Les Détectives – ravages et le Parrain-sauvage qui font trop bon ménage ?l’horreur de l’erreur : n’avoir pas su dire NON ?

Voici que l’on s’engage donc pour quelques dizaines de milliers de mots, cent quatre-vingt mille minimum  dit le compteur, – sans compter les ajouts inutiles et indispensables- et pour beaucoup de jours de travail, d’écriture, de biffures, d’aventures et d’impasses. Comme toujours et partout depuis le Big Bang, il n’est pas possible de partir de rien ou presque rien. Dans le récit -donc dans votre futur-mais aussi dans le passé dont le récit se constitue, errent  encore des figures ( des troupes ? des tropes ?) et des personnages : simples silhouettes ou très omniprésentes héroïnes; fulgurants héros; passagers figurants qui passent en tenue de Rien et qui marchent de concert dans un décor de vide et de silence. C’est ainsi qu’on écrit le passé.

Ceux  qui furent pendant la saison un ( celle des Séquences Publiques d’Oubli) ou pendant la Saison deux (le labyrinthe de Ferrare depuis la tombe de Giorgio Bassani jusque aux yeux  noirs d’une hôtesse : Silvia),  et tous les comparses d’avant – jamais venus au jour – ceux qui ont été  les parallèles de chemins anciens, elles et ils sont tous là, encore :

personnages qui secouent la nuque et les cuisses, tapent du sabot et dans les mains (chantent-ils en cœur ? ) puis regardent vers les nuages velus et la terre ouverte. Ici, prêts. La vie est une réserve de personnages comme on dit réserve sauvage. Et l’AUTRE, noué du col, sauvage dans le silence.

Le récit d’aujourd’hui c’est comme le visage d’un vieil homme dans le miroir d’une ancienne brasserie au temps où l’on fumait : moi, Y.d’I dit YDIT, mêmes traits, même chair et dans la superposition des peaux s’aperçoit la trace multiple des rencontres, les rides d’expression. Tous les anciens passagers de la vie, de toutes ces vies, Septante et plus étant venus, restent là, restent ensemble, même si l’on n’aperçoit plus désormais que les ultimes acteurs. Dans cette (cette fois impudique) mise en scène de moi (Y.d’I.) le plateau qu’on traverse entre Cour et Jardin compte moins que les machinistes en coulisse, les maquilleuses en loge, les spectateurs du balcon, les filles en short qui passent dans la rue, dehors, la rue, dehors, toujours. La mémoire est usée comme une vieille souffleuse de comédie.

Toutes et tous sont là, secouant nuque et cuisses, pour la danse tribale convoquant les Grands Esprits. On les voit qui tapent des pieds, chantent en chœur, puis tournent leurs yeux vers les nuages fertiles d’où tombe l’averse du souvenir. Pas orageuse, pas larmoyante.

Prêtes et prêts ? Prêts et prêtes ! Roman ! Images !

Apprendre, par exemple, pour Hanged James, rigide et pâle dans sa fenêtre, noué du col au bout de sa branche,  savoir ( pas imaginer, non, savoir ) ce que son DIE PATE à lui avait pu imposer à son corps, à ses gestes, à sa faiblesse, à ses yeux, à sa tendresse, souvent ou pas, en douceur ou pas, dans la caresse du lit ou la brutalité de l’escalier, avec bassesse ou malice, avec la bouche ou les mains et quoi de pire, en jouant l’amour peut-être ? SAVOIR pour cet autre, Hanged James (on va le présenter ensuite), à quoi son vieux DIE PATE jouait avec ce jeune corps, en disant seulement la cynique force du sexe sans doute, SAVOIR ce qu’on avait osé imposer à celui-là, James pas encore Hanged,  qui- vingt ans après- n’en pouvant plus d’avoir été cela, et seulement cela, ce corps exploité, ce territoire de silence, cette tanière de conscience victime et coupable, -car lui non plus n’avait pas fui ou dénoncé, n’avait pas su dire « NON » dès le premier geste – lui qui avait fini- douleur et culpabilité- par se pencher si fort au bout de sa branche qu’il en était tombé pendu ? SAVOIR, comment avait été sa terre de détresse?

Alors que, – telle est la stupeur Septante et davantage étant venus- à une autre époque, mais c’est la même au fond, l’époque de la complicité en silence, YDIT, lui, dans la proximité nocive mais jouisseuse de Marcel Malbée dit M. M. dit Der Pate, lisant Bob Morane,  recevait d’identiques demandes, voyait avec les mêmes yeux les mêmes gestes ou presque, devinait que la cordelette du pyjama de gamin serait dénouée par la main du vieux, comme une sale histoire,  parce qu’on a trop chaud, non? Bleu et blanc, rouge et vert, le pyjama (certes pas de lin blanc  ça coûte trop cher, on n’avait pas d’argent, nous, seulement Die Pate, un peu davantage, voiture, couscous chez le Marocain)

« Tu n’as pas trop chaud avec ton joli pyjama, Ydit ? »

Alors que YDIT avait appris avec surprise et connaissait sans étonnement les possibilités de ces deux corps, le corps jeune, le vieux corps, des parcelles de corps plutôt, bien précises, trop précises, ici commence et cesse vite le corps intéressant, et que selon toute probabilité cela ressemblait aux postures et glissements d’épidermes ou de salives entre James pas encore Hanged et son vieux DIE PATE à lui…

Et pourtant, telle est la stupeur Septante et davantage étant venus, l’un- James – traverse les épisodes parfois joyeux de la vie, sans jamais renoncer au terreau invalidant de la souffrance mémorielle, au point d’être Hanged un petit matin, au bout de la branche, pendu... Et pourtant l’autre -YDIT le Didi-  parcourt la vie comme si la mémoire avait subi l’extinction d’une race : les souvenirs, et caracole dans le bois pour le footing quotidien, et vole en avion vers des villes jolies, ou des amis, pour visiter des musées ou des gens, prononcer des mots en public, partager des bonheurs en intime, regarder les filles en privé.

La différence de James et YDIT, le pendu et le rieur, ( on dirait une fable ), comment la comprendre ? L’injustice, comment l’accepter ? La distance, comment l’effacer ? Pourquoi le sourire crispé au bout de la corde et de la nuit pour l’un, et pour l’autre le chantonnement guilleret des jours sans crépuscule ?

En parler, encore parler de Marcel Malbée, dit MM, dit Le Parrain, grand amateur de pyjamas pour garçonnets, au point de collectionner les catalogues de « La Redoute » ?

Reste l’explication de ceci trouvée si tôt : l’écriture.

Comme un marais, un désert, une jungle, une caverne, une ruine, une Amazone : de quoi traverser ! Ecrire est ce qui permet de traverser. Aussi : l’écriture comme un balais de chantier poussant les gravats dans le fossé au bout du champ. On nettoie et ça comble.

On recommence, alors ?

On hésite, aussi.

On tente de regarder l’anxiété au creux du ventre, au bout des yeux, dans le pli du sexe, lez zones friables de l’humain, mais rien à faire. Oui, bien entendu,  « ça recommence », d’écrire, et comme c’est inquiétant, sourd, lourd, fuyant. Mais aussi, quelle autre ligne de fuite plus certaine? Quel autre nacelle à hydrogène pour quitter la ville intérieure, alors que l’émeute du vide flambe sur sa propre absence ?

_______________________________________________________________________________________________Didier JOUAULT, pour YDIT-BLOG, nouvelle saison, saison 4, Episode six : noué du col au bout de sa branche. .

A suivre, chaque semaine, ou presque, pour tant et tant de semaines qu’on a le temps. TROIS ANNEES, un peu commencées. Prochain épisode (on en saura plus sur Le Parrain) : mercredi 18 octobre, temps vespéral.

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