YDIT-TROIS, comme annoncé, d’abord « PREVIOUSLY » 10 : de nouveau la première saison, celle des « Séquences Publiques d’Oubli », car les deux projets sont emmêlés en échos, Oublis à commencer par deux rencontres de l’étrange, deux plongées ( ou deux ascensions?) dans la très mystérieuse mémoire cachée du monde sensible 96/123 : Dans l’attrait de la nuit prend toujours racine la fleur de la terreur. Publication initiale le 19 avril 2019.

« Encore un jour qui commence mal », dit un homme dans le public, clairsemé ( mais si on sème davantage, les tiges étouffent en grimpant).

« C’est l’homme, qui semble clairsemé ? » s’interroge la suave Slave, jamais en reste d’une mécompréhension très volontaire, d’une méconnaissance à pointe, puisque c’est ainsi que les hommes vivent.

Ydit raconte ( c’est- on l’aura noté- ce qu’il préfère).

livres afrique

Il avait été nommé depuis peu dans le département. On avait organisé une « tournée » de rencontres. Ce soir, dans un chef-lieu de canton, il avait dîné avec une dizaine de personnages locaux.

Ils  accueillaient l’arrivant avec les habituelles demandes, et l’offre d’histoires locales : ici, disaient-ils, vieille prune en main…

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…vers les marais noueux ou les chemins de liège, sorcières et rebouteux  savaient les mots de l’indicible. Mais nous sommes des gens simples, et amants de la Lumière, rien de grave.

« Il est tard, vous savez, on n’est pas à Paris, on se couche tôt chez nous ».

Avant le creux blanc du sommeil, toujours lent à conquérir, les autres étaient partis, laissant Ydit payer seul sa dette à l’insomnie.

A chaque fois, trop tôt, pour l’hôtel.

-« Inutile de sonner, il y a un code », disait la patronne. Elle ajoutait : « Vous ne trouverez rien d’ouvert, à cette heure, en ville, ni personne, pas même une dame sur un boulevard,  mais il n’y a pas de risque, on est tranquilles, dans nos pays, s’il y avait des voleurs, ils se coucheraient tôt. »

     Devant l’hôtel, la voiture noire du service. Natif d’ici, le chauffeur est au lit en compagnie depuis longtemps. C’est l’heure de ne pas rouler.

Ydit raconte : Si l’on déambulait, on passait la place de la République, ancienne place d’armes, puis on tournait vers la belle médiathèque installée dans le marché aux grains. Alors, on descendait par la rue du prieuré, forte pente au flanc de l’ancien oppidum. sur le parvis

briques mur crevasses

Elle  passait devant les deux hôtels particuliers Renaissance réunis par une passerelle de métal blanc, et le bloc durable fait par la vieille salle de réunion où les nazis avaient installé leurs maléfices en 40, face à la maison close.

YDIT :Vite, sans presser le pas, on arrivait en limite de la ville, après le garage Renault et ses grilles peintes en noir. Puis, le sombre silence des prés cachés derrière leurs barbelés. Plus rien, ensuite, sous la nuit de lune mouillée. La question, unique, toujours la même : à quel endroit poser le demi-tour? Ici à gauche, le goudron se fait chemin. Quelques derniers pas, le pied touche la terre, la chair quitte les os, on devient sa propre histoire dans l’immatériel du parcours.

« J’irai jusqu’à cette cahute effondrée. »

andré juillard

Depuis le  creux de la pénombre, dans le coeur des ténèbres, une voix l’interrogeait soudain sans brusquerie, lourde et lente, faite d’humeur simple et de bois chaud :

« -Est-ce que vous m’aimez ? »

Ydit raconte qu’il a coupé le fil de la marche.

« Dans l’attrait de ma nuit prend toujours racine la fleur de la terreur. » 

     La femme – mais la voix disait mal son genre- le presse de ne pas entrer : qu’il reste en lisière de la lune sur le chemin de terre battue. Autour, il y a cette odeur que les vaches donnent à la terre grasse d’ici quand elles ne dorment pas, elles non plus.

chouette effraie 2

La voix, depuis son fond de nuit, à son tour raconte. Mais que Ydit, d’abord, veuille s’asseoir sur la souche encore vivante sous sa forme d’orange cou coupé. Qu’il ouvre les nœuds de la cravate de laine, de vent, de chanvre.

Rien ne se passe.

Pourquoi ce silence ?

     Ydit raconte qu’il était impossible d’apercevoir qui parlait sous le toit percé de l’abri. Elle disait : « Je ne mens pas, jamais, sauf à moi-même parfois, si la parole est difficile. Je voyage, on vous l’a dit, que je voyage ? Je bouscule les distances dans le corps d’un effraie, l’oiseau des sagesses anciennes, l’émergeant des lumières d’outre-lieu  dans la nuit des hommes .

    Je suis  le coeur de son  corps en plumets, je vis de mouvements dans l’air, je sais aussi entrer dans l’esprit d’une plante et la déterrer vers sa lumière qu’elle ignore encore. C’est ainsi, mais enlevez votre veston de promeneur innocent, voila pourquoi je peux vous dire  comment un chardon nous écoute, et comment une valériane nous entend, vous et nous, les humains, comment elles jugent nos sarcasmes, nos cruautés. »

     Ydit avait retiré la veste. La chaleur des repas lourds du soir. On ne voyait plus que cet anonymat nocturne des visages qui marque l’insouciance du réel. Des oiseaux épais se posaient sur un pieu, une échelle mystérieuse.

     « Si vous désirez – mais je sais que vous désirez la chaleur, comme tous les hommes, sans connaître les buches ni le feu, alors vous devez sentir le meuble de ma terre sous votre peau… »

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     Ydit raconte qu’il délaçait les chaussures, approchait pieds nus. La respiration des vaches s’essoufflait derrière la sienne, profonde. La voix lui conseillait de ne plus avancer, il ne verrait de toute façon rien de l’invisible, sauf les masques menteurs des discours P1200825  plâtrés, tenus en laisse par des comparses.

Elle se tait. Ydit s’allonge. Elle dit :

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Branly , Sudamérique -costume rituel

« C’est que je suis une sorcière blanche. Ce que je sais faire le mieux…J’ai embrassé l’aube d’été, moi aussi. Elle souffle fort. Ecoutez ce que je fais très bien pour les gens d’ici, c’est cela qu’attendent les parents, c’est m’asseoir auprès de ceux qui vont mourir et me saluent. Comme vous, ils sont allongés, ils sont en cours d’achèvement, pieds nus, leur paletot lui aussi devient idéal, ils vont nous quitter. »

« Ceux qui planent encore entre deux vies, comme les oiseaux, qu’ils hésitent à devenir, enfants et malades perdus par le temps de vivre, alors je m’asseois.

Auprès d’eux je m’assois. »

« Je les écoute, je couds mes plumes d’effraie à la peau de leurs trophées, j’écoute lentement comme ils respirent, au milieu des machines sauvages  qui les enchainent à la vie de l’hôpital, à l’illusion que tout corps est durable,

et je suis là, griffes paisibles posées à la tête du lit, regard blanc ouvert, seule dressée dans la vacuité de la nuit des hommes,

je reste là, personne dans la ville sauf les oiseaux, et moi, mon plumage couvre le mourant et son coma de sa fausse présence, je veille sur  les hésitations informelles de la forme interrogeant sa propre destinée, pas besoin de les toucher, pas besoin de bouger ni planer, je ne leur parle pas, ou presque jamais,

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je suis un oiseau qui sait parler mais veut se taire, je leur adresse la parole, ainsi pour vous ce soir, si je perçois que la ligne de  crête d’un coma va les pousser dans l’obscur de l’autre monde, mais je suis une sorcière blanche, une sorcière des lumières,

moi,

je les retiens alors avec des paroles d’oiseau, des paroles d’effraie, afin qu’ils ne quittent pas le bord de la vie blanche pourquoi

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je veille, longue veille, pourquoi cette veille,

et je les accompagne, peu à peu, dans leur  douleur de vivre et leur inquiétude du passage, dans l’instant que pose la durée de la nuit,

dans la faille,

entre être et partir, et les voici peu à peu qui retournent leur regard moribond vers les pâleurs tièdes et mousseuses de la vie…

Le jour se lève, il est temps de vivre. Les mains de la vie respirent comme des passereaux sans poids que le vent abat sur les champs à la place des glaneuses, mais ils ne perdent jamais le sens du vol.

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                                      Chaque désir à son tour regagne la cage ouverte, et je me dépouille

de mon néant.

Alors, au matin sonné, je quitte leur nuit, je quitte la chambre d’hôpital. Dans quelques minutes l’infirmière de garde arrivera,

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elle dira la stupéfaction de la rémission, elle appellera l’interne mal réveillé : l’improbable bascule qu’improvisent les vivants qui ont été poussés à vibrer encore un peu selon les flux du sang, et s’arriment une fois de plus aux berges de la lumière. »

Longtemps, le silence occupe l’espace. On sent la veille des vaches, autour, et leur immense sérénité.

Des lueurs apparaissent vers l’horizon

 » Toujours je suis là, si les parents ou ceux qui aiment ont fait appel à moi comme ils savent ici, sans crainte et sans douter du réel secret de ma voix, alors, ceux qui naviguaient leur nuit dans l’incertain du coma se laissent conduire par moi du côté de la vie.

     Je suis une sorcière blanche, c’est l’aube, ils vivent, je pars, je me cache, on ne me voit pas dans l’étonnement de la chambre, je pousse mon corps de plumes et de paroles à s’embarquer en silence dans le corps des plantes, dans la silhouette vague d’une promeneuse, et je disparais, à nouveau. »

     Ydit raconte qu’il s’éveille sans lourdeur et sans faute. Il fait froid, il avait trop bu de cette vieille goutte, il a dû dormir, il a rêvé sans doute. Des livres anciens seront venus se réciter eux-mêmes dans l’éperdu de la mémoire où l’explosion des ombres veille en sourdine.

     Les plis du réel coupent le paysage de ses souvenirs, comme les plis de la chair façonnent les parcours émouvants sur le corps – surtout les vieux corps- dont les visages creusés disent les cheminements intimes, leurs désirs, nos repentirs.

     Dans le bosquet ouvert à la mémoire, la sorcière sait-elle où se trouve la clé du blanc et du noir?

Voltaire le sait, il sait tout : « Plus un mot est léger, plus il est clair, et ce qui est grave est clair ». IL demande à Ydit s’il  se souvient de tous les livres ?

Ydit répond qu’il a oublié ce qu’il a lu, ce qu’il a bu aussi, mais qu’il se souvient de tout ce qu’il a rêvé, ce qu’il a défait.

Germaine dit que « sa mère étant à l’hôpital, elle avait aussi invité une sorcière blanche, connue sur les quais. Rien de plus, rien de moins. Mais les trains savent partir à l’heure de l’attente, même quand les rails n’ont pas été passés à la paille de fer du langage. »

Vassiliki hésite, elle se passerait bien de parler ; mais comment échapper à l’indissociable du trio : « Le récit de la sorcière ce n’est qu’invention de la mémoire fatiguée, dit-elle.Puis ajoute qu‘elle a connu des lieux où l’on enrichit à la main la mémoire des coupables. »

Quant à lui, Ydit se souvient  de son AUBE : « Au réveil, il était midi ».

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YDIT-TROIS, comme annoncé, d’abord « PREVIOUSLY » numéro 9 : de nouveau la première saison, celle des « Séquences Publiques d’Oubli », car les deux projets sont emmêlés en échos, Oublis à commencer par deux rencontres de l’étrange, deux plongées ( ou deux ascensions?) dans la très mystérieuse mémoire cachée du monde sensible YDIT-BLOG numéro 66, datée du 1er mai 2018 – belle journée pour le travailleur.

Pour ce qui précède, à la date de parution, 84 Séquences à parcourir : https://yditblog.wordpress.com

On s’y arrange doucement, comme chacun peut, avec les «OUBLIeS».

Parfois, on explique : tout ceci doit être lu comme écrit par un personnage de roman.


Séquence numéro 66 : le chemin du rail passe par la maison du dada.

« – Par ce GR, vous passerez près de la maison au dada », lui avait dit le jeune fille qui diffusait les parcours fléchés pour marcheurs distraits. Elle avait semblé s’ennuyer derrière la fenêtre de l’Office, près du cimetière britannique WW2, pliée comme une brochure pour touristes Allemands venus prendre les eaux dans les grands cimetières des pèlerinages décharnés.

     Ydit était entré. Seule chair vivante et repère du regard dans le repaire des cartes postales  mortes, elle ne quittait la Maison de Pays que pour le lit du boucher, qui lui avait acheté un Fox-Terrier en souvenir des parachutistes américains.

     En marchant, Ydit se souvenait d’Hélène qui avait jadis  été mariée à un Anglais navrant qui donc la battait le soir et lui tirait souvent les cheveux, dans la maison de campagne pas loin de cette promenade-ci. De ces infortunes, Hélène gardait une fille, nommée Justine, et la certitude que les femmes ont toujours tort. Pour dissiper les deux, parfois, chez elle, se jouaient des soirées d’amis qu’elle voulait peu ordinaires.

Ydit devance : Oui, peu ordinaires, les deux. Mais j’ai surpris votre question. J’avoue, il semble qu’à force de me suivre sur les chemins abrupts des oublies, votre langue s’affine et s’aguerrit?

Un spectateur s’interroge, déjà perdu en route : à qui l’hommage s’adresse-t-il ? La Russe rusée surveille mais ne se voit. Toujours présente. On se croirait dans un festival de rues  peint dans un village du sud pour touristes du nord. Les soirées dans la maison d’Hélène y ressemblaient aussi.

 Hélène, en ce mai, demanda qu’on y vînt

Déguisé, en ce court poème, qu’on dirait

Non sans vin, mais en vain

     « C’était, ajoute YDIT, l’époque des langages, et depuis la parole est perdue. »

     Germaine hésite : elle, c’est une fille des lignes métalliques parallèles, des pierres taillées pour les quais, des écrans noir et blanc pour affirmer le 23h59 sur la voie B. Elle insiste cependant pour rester dans le récit, elle sait y tenir la  place majeure de la balise narrative.

     Ydit raconte : « L’époque était un moment de l’existence où l’on avait parfois des mots en tête. On venait, Campari en main, texte en mémoire. Francis, qui n’était ni de Ponge ni chez Carco, arrivait grimé en dormeur, et en Duval. Il se faisait appeler Arthur. Quant à lui, YDIT,  c’était un poème Dada qu’il récitait : « Persienne ». Dans la lumière jaunie par le temps, il en portait le déguisement. Cela commençait ainsi: « Persienne, persienne, persienne, persienne…puis continuait de même et finissait en : persienne, persienne !persienne? persienne… »

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    La perplexité du passant atteint de vertigineux sommets ou plutôt de puissantes profondeurs : la pression dépressive est telle qu’on n’y voit goutte, au fond, de sorte que les poissons dorment à plat dans le creux d’une sobre vase qui, seule, adoucit le poids des mots, ici.

Aux aspérités de la vie répond l’allongé des OubliEs.

les déraillés du dada

     Ydit raconte que, marcheur, en route, ce matin même, après l’aqueduc, il suivait son rail, un ancienne voie  Romaine usée par les charrettes, puis que le chemin de fer avait confirmée en sa ligne, avant de l’abandonner à nouveau.

Km 67, au croisement, l’ancienne bâtisse lourde d’un garde-barrière s’apercevait entre les entrelacs endoloris de fer et de liane. Derrière les barbelés rouillés, un cube ancien paraissait un  fortin inutile pour une guerre toujours perdue, une butte de béton oubliée sur la grève par le recul du temps plutôt que par les défaites.

P1200780     Peu lisible, le sentier peinait à contourner son immobilité de fort féroce, de redoute retranchée sur son propre échec. Dépassant les ronces et les aubépines, c’était un morceau désuet d’histoire privée de sens et grisonnant de béton, surprenant mélange de barrières et de refus.

     Ydit raconte : il avait soif, il s’était approché. Il dit que, sac posé au cœur du sentier, il tentait de lire les griffonnages que des cartons barbouillés de temps et déchirés de vent posaient sous les yeux du passant, comme des hallebardes de la Garde Suisse :

Ne pas entrer. Vous avez déjà cambriolé mon esprit et mes livres.

Partez. Partez, je ne veux pas vous apercevoir.

     Ydit avait avancé pour déchiffrer, c’est le mouvement naturel des hommes. Accroché comme un pendu près d’une porte en métal que le fouillis de ronces et de fer rendait presqu’invisible, ceci :

N’approchez pas, ne venez plus, partez. Voleurs de temps. Je ne veux pas vous parler. Parler avec des gens tels que vous êtes fiers de sembler.

Allez vous vers ailleurs.

Selon Ydit, une faille de grillage aurait sans doute permis d’apercevoir l’intérieur du refuge. Ydit se penchait  :

Immensément proche, tout derrière la porte invisible, une voix d’homme très agé, soudain:

-Qu’est ce que vous me cherchez ? Vous ne savez pas lire les cartons?

Reculant, Ydit s’était excusé : il n’avait rien dérangé, suivait juste son rail, simple randonneur de matinée voulue sereine.

Les randonneurs, ça m’est dangereux. Ils font du bruit, c’est des femmes qui perlent vers mes ronces. Silence. Puis : Et qu’est ce que ça vous a fait ? Ce qui est inscrit sur les cartons ?

Ydit raconte qu’il a longé la clôture, dans les orties et les mûriers, regagnant le sentier. P1200733          De l’autre côté de l’invisible, la voix et son corps le suivaient en parallèle.

-Pourquoi vous vous arrêtez contre moi ?

     Ydit avait dit son goût des voies toutes tracées, balises et rails, et la curiosité pour cette maison témoin des temps, garde-barrière sans train ni barrière, mais comportant un homme.

-Tout est fini, depuis trente ans, ici, ou cinquante. Rien ne vous regarde plus.

-A part vous, caché ? Vous habitez ici depuis le début?

Un arrêt devant chez moi, c’est choc violent, vous ne comprenez pas ? Allez-vous en, je dis, car ici c’est fini.

     Doucement, Ydit avait rappelé que le chemin, protégé de rouge et blanc, est public. S’était éloigné. On apercevait des plâtres cloués sur un paroi. A travers le fond de rouille et d’épines, il avait tenté de tendre la main par les mots : « Je vous laisse, moi, d’accord.

Et vous, vous écrivez, vous peignez, vous sculptez? »

Tout ça aussi. Mais allez vous en. Vous n’avez pas les écrits des cartons

     Ydit, maladroit,  essayait de se glisser par les mots : « Si on écrit, c’est pour échanger, non? » L’autre, invisible, tendait encore sa voix : « Rien à échanger, rien de commun avec des gens comme vous, moi. »

     Dans le silence des oiseaux, Ydit avait cru percevoir un dur  bruit métallique, sans y croire. Il avait cependant pris un écart : sinon, comment parcourir les Oublies quand on vous a tué la mémoire avec le corps? D’un peu plus loin, il regardait.

Vous m’observez encore?!

   Ydit ne l’avait pas vu : entre les lignes de béton et d’arbustes, une forme était là, secrète.

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-« Vous aussi, je crois! » tentait de rire Ydit.

-Vous m’observez, vous m’interdisez de vivre, partez !

-« Vous écrivez? J’aimerais lire ce que vous écrivez. C’est publié ? »

Je ne veux pas de parasites. Partez, je ne veux pas qu’on lise ce que j’écris ou qu’on voie ce que je… Allez vous en.

     Ydit avait fait quelques pas pour apercevoir un profil. Le masque de bois suivait son mouvement comme sur un axe de machine. Il disait : « Chaque personne qui passe est une attaque. Pourquoi m’observer? Je ne parle pas. Je ne sais pas ce que c’est. Allez-vous en ».

     Ydit avait soudain perçu la détresse bien contenue dans sa  violence. Derrière le masque de persienne et de personne, il avait pu ressentir l’enfermement d’un visage, le cri des livres infinis jamais écrits, et l’ondulante douleur  de la déraison.

     Alors, il avait parcouru à l’envers l’inquiétante distance avec ce monde qui aurait, sans réserve, choisi la rude leçon de l’oubli. Sur le bord d’un chemin pourtant dessiné droit, un pas suffit pour approcher ailleurs.

    Ydit se tait. Germaine, émue des similitudes, mais sans excès, s’étonne qu’on n’ait pas entendu parler de filles, ou presque, cette fois. Ydit n’écrirait plus le brouillon de ses      OubliEs sur la peau des femmes, comme fit certain vicomte de mauvaise rencontre?

    Ydit, pour satisfaire aux règles sévères de son propre oubli, raconte que peu après avoir quitté le fortin du dada, dans un trou de verdure où coule une rivière, une promeneuse un peu fée l’attendait, portant le consolamentum dans ses gestes, ou montrant les voies, comme on voudra.

     Bien entendu, Germaine n’en croit rien : « Ah oui, la nymphe en verdure et lumière, la visiteuse de souvenirs et devenirs,  ça aurait manqué. » Elle sait qu’Ydit est capable d’oublier jusqu’à ce qui n’eut jamais lieu que dans les plis de son désir.

    « Mais, au moins, dit-elle au spectateur qui ne l’a pas quittée, « vous voyez, la règle est respectée : on s’en sort, ça marche et se dévoile. »

     Ydit veut terminer le récit du dada : plus loin, hors de vue de ce fortin de ronces, Il avait attendu, posé le sac ? Puis, sans bruit, avait tenté de s’approcher pour photographier les signes et les êtres. Mais, sans bouger, la forme se tenait encore derrière le panneau de bois, douloureusement imprévisible, rigide dans son silence.

Les images la montrent de loin, et seuls les alentours portent la marque du passage.

Ydit, longtemps, avait contemplé le trop-plein de ce paysage que certains hommes se font le devoir d’habiter. La mémoire du bois lui donnait à entendre cette voix de tout-à-l’heure, la voix de ce prochain si proche.-psy005-C’est le genre à moitié poupée russe, votre S.P.O. numéro 66, à moitié Dubuffet,  avec récit à tiroirs.  Vous auriez rêvé de vous balader  dans Jacques -le-Fataliste? demande Germaine.

Ydit ne répond rien, et ne se souvient déjà plus des soirées d’Hélène, ni de leur dérision d’époque.

Il sait en revanche que, à trop attendre auprès de la maison du dada, il avait –km 91-

raté son train du retour.

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Eclatant de rire,
Germaine-des-rails ajoute :
….. »Et pas que ! »


Didier Jouault pour Yditblog Séquence Publique d’OubliEs n°66

Par défaut

YDIT-TROIS, comme annoncé, d’abord « PREVIOUSLY » 8 : la première saison, celle des « Séquences Publiques d’Oubli », après les SPO du Politique, les SPO du cœur ou de la première jeunesse ( on a su et vu que les naïfs souvenirs impudiques ici balaient l’impudeur des analyses). Voici donc la…rediffusion de la SPO datée du 4 décembre 2017 (quoi, déjà plus de 5 ans ? Lorca : « Lorsque cinq ans auront passé »… ) ==> « YDIT-BLOG, Séquence Publique d’Oubli n°55 : Au temple, l’éléphant serre toujours un peu trop ».

 

Avertissement du producteur : La séquence suivante comporte des images ou des allusions pouvant émouvoir  les sensibilités, en particulier des personnes d’un certain age.

OMISSION n° 55

Les pieds allongent le pas et gagnent sur les ombres. En chemin, la trace d’humain éparpille des poches claires de boue, qu’effacerait une prochaine traversée de pâturage mouillé, si le troupeau n’inquiétait par la densité de lourdes chairs.

Ydit est là. Il marche, et répète la séquence publique d’omissionOUBLIeS en marche :

 

 

 

« Stéphen était à la peine, la laine coulait dans son haleine, le vent de ses veines rougissait l’horizon. Dressé comme à cheval sur ses jambes d’Anglais il arrivait en tête sans que pourtant nous fissions la course ».

 

 

 

 

 

Au retour, une Russe désormais presque familière attend Ydit sous la marquise. Elle supplie l’accueil. Il y a déjà tant de neige sur l’écran de l’attente.la russe attend sous la marquise D’un geste, Ydit coupe la phrase pressentie : « Oui, je sais, vos services font un rapport sur mon père, et tu voudrais que. »

Au lieu d’écouter ce qu’elle sait, Ydit raconte ce qu’il  oublie.

« Patience dans l’azur », murmure-t-il à la récurrente visiteuse, qui préfère un thé vert.

Ydit : « Dans le pavillon de banlieue que le chantier menaçait encore d’infinitude, ou au moins d’effritement, la mère de Stéphen invitait  à boire un café ignoble ennobli au gin. Là-bas,

 

…c’était loin, il y fallait des trains,  gris-verts comme les yeux de déesse, mais en moins furtif. Les compartiments fantômaient la Gitane, l’Algérien de foyer, parfois même le Déporté à l’ombre ineffaçable. La vie permettait cependant un peu d’espérance : la soeur de Stephen, souvent, les accompagnait pour

le muffin à la cannelle,

ou les virées en ville, à la piscine, des vacances rêvées avec les copines de La Goulette. »

 

 

-« Je m’étonnais qu’il n’y aurait pas de jeune fille », césure la Russe Vassiliki, depuis l’alcôve où la confine son rôle d’enquêteuse muette.

Ydit mesure la fatigue de la visiteuse à l’imprécision de ses modes. Elle saisit la faille du silence pour rappeler que, au fond, elle veut seulement parler de son père, ou plutôt l’interroger sur les activités clandestines, pour les services.

Mais son français d’épuisée ne dit pas si elle interroge sur les services ou si les activités s’accomplissaient pour les services.

Ydit verse un surplus de thé.

 

Ydit : « Oublier est une mesure de métronome, trop vite on casse les notes, trop lent on fatigue le rythme : je préfère mon récit à notre rapport. »

Puis revient à l’Omission:

 

« En plus de sa mère agile et sa soeur à thé, Stéphen aimait les pantalons éléphant qui l’enveloppaient comme un cou de girafe. Au milieu des garçons plutôt pâles et de professeurs vraiment gris, son passage bleu  transformait tout salle en cabinet de curiosités. Il chinait les chemises dans une halle aux vêtements qui, en ces temps, servait de Bagatelle et d’Escorial, à la place d’une forteresse.

 

Proche du lycée, le Carreau du Temple recevait  les garçons fuyant pour une heure la beauté lente des apprentissages. »

Vassiliki– dont Ydit perçoit bien qu’elle rivalise un peu avec Germaine des gares, ce qui l’agace – se lasse vite  de tout récit qui n’a pas la méthode d’un procès-verbal. Elle s’assied, prend ses aises et son temps. L’intérieur est plus chaud. Accepte du thé. Ydit,  renonce à lui proposer un vêtement de probité candide ou un gin au thym.

Il avouerait que la situation d’épié n’est en rien déplaisante quand l’épieuse y met de la bonne volonté.

 

« Ah, je connais, ose-t-elle, le Carreau, on y a fait à présent une maison de spectacles pour jeunes et de boutiques pour riches, c’est Paris. »

Ydit (dont le choix est de refuser la cassure du récit)  :

« Cette fois, on avait changé les heures de maths en partie de poker avec allumettes, et le professeur de géologie en  passage au Carreau. On avait très chaud. On regardait les acheteurs, les traineuses, la vie de la lumière dans les ondes de poussière.

J’ai besoin d’un éléphant disait Stephen.

-Je n’ai besoin de rien, murmurait Ydit

T’as pas de fric, comme d’hab, plutôt.

-On s’en fout comme d’hab, non?

 

Ensuite, Stephen choisit, hésite, accumule. Pour agacer les vendeurs il exagérait le faux accent britannique, ou même écossais, dont sa sœur crisse les tonalités charnues lorsqu’elle veut séduire le maitre  en sentimentalisant le dialogue professeur-élève.

Le marchand presque de Venise, ni gras ni sale, sans nez pointu ni doigts crochus, s’épanouit au charme imprécis que Stéphen emportait partout avec lui. Un rideau délimitait l’espace essayage de façon aussi imprécise que la victoire de la défaite, un soir de waterloo-station. Autour : étalages ouverts, larges allées, tout à l’air.

Stephen glisse, bras chargés de pantalons : « Tu pourrais venir m’aider, au lieu de regarder les filles ». Vassiliki, car elle a fait de bonnes écoles, traduit :« Stephen entre, bras chargés, Ydit suit, pour aider », et se dit que la scansion lui rappelle un souvenir de bibliothèque. Alexandrie? Stalingrad? Non, pas Stalingrad.

 

A cet age encore plus, les garçons méprisent la pudeur. Ceux-là voisinent en vestiaire au gymnase du lycée, en des temps bizarrement moins prudes, 1967. Trois ou cinq pantalons sont déjà terrassés par l’essayage. Depuis son étal creusé, le vendeur voit : à peine si Stéphen et Ydit ont tiré le rideau sur leur duo. On dirait que l’Anglais ne porte pas de ? Mais on ne peut jurer de rien.

Enfin voici qu’un éléphant paraît trouver sa mesure autour des hanches.toujours trop serré

Ydit pense qu’il serre baucoup les fesses, mais ça devrait aller. Stéphen ajoute qu’il ne parvient pas bien à tirer le fermeture, malicieux sous l’écoute échauffée du vendeur. Alors, Ydit s’agenouille, Stephen étend le dos et rentre le ventre, puis en glissant un peu de sa main entre étoffe et peau Ydit réussit la glissière. On sent que cela serre Stéphen sans le desservir. Tout tombe très bien, plis et bosses.

La voix du  vendeur s’approche, il écarte ce qui restait de rideau alors que se relève Ydit, et le ton se trouble d’un velouté pimenté. Il hésite :  » Euh, vous êtes ensemble, tous les deux ? »

 

Les garçons s’amusent : « ça ne se voit pas ? » Stéphen ajuste l’éléphant  à petits gestes risqués, jusqu’à ces parties si complexes à disposer dans les pantalons des garçons de seize ans.

-« Oui, enfin, non, je vois bien, mais je veux dire, tous les deux, vous êtes, euh  ensemble/ensemble? » . Il transpire.

Stéphen, 16 ans 3 mois. Ydit 16 ans 87 jours : ils s’esclaffent. On a beau aimer l’avenir, pas de raison d’être si impudiquement précurseur, année 1967.

Donc, non, non, pas ensemble/ensemble. Stéphen : « Sinon, tu parles, on t’aurait pas payé l’éléphant, on t’aurait proposé une… » Glacial, tandis que les deux rient, le marchand refuse l’habituelle ristourne  lycéens.

Vassiliki, simulant l’intérêt : « Le vendeur, il voulait vraiment vous offrir des propositions? »

Ydit poursuit :

 

« Dehors, écoutant « Salut les copains« , l’impériale soeur attendait. Eux disaient : » T’écoutes encore « ça pue les colins? ». Ils sont rentrés avec la voiture que Mum prêtait toujours. La sœur pensait que Stephen et Ydit ça aurait fait un joli petit couple poétique, du genre à Caravager le Carreau, même si c’était  trèd pas à la mode, la Poétique.

En route, par ses coutures sèches, l’éléphant nouveau commençait à violenter la chair intime. Stéphen se plaignait en tortillant. La soeur ne s’en distrayait pas. « Do you need a stop?« . Il needait, yes. Elle et la voiture de Mum frayèrent dans un chemin entre deux bois. En ces temps, la boue c’était aussitôt après la ville.

 

Je vais en profiter pour faire un petit pipi, justifiait Stephen, les pieds dans la terre, et le pantalon pas loin.

C’était serré si net qu’il faut  bien entendu délacer la ceinture, ouvrir plutôt large. Un beaucoup de hanches nues  luit clairement contre l’horizon brun. La sœur, bilingue au point de parler l’Audiard :

-« Si t’avais mis une culotte, ça t’aurait pas tant  rainuré les bijoux », estima-t-elle, songeant par ailleurs au thé qui l’attendait.

 

 

Puis, soudain, chacun rhabillé d’ampleur sinon de chic,

TempliersChevaliers.jpeg la soeur accepta que le précoce mais imprécis Stephen prit le volant, pour rire sur le chemin, jusqu’à la route. C’était l’heure du thé à la cardamone. Il fallait revenir au sérieux. Mum, attendant, s’amusait avec le repassage.

 

 

Le chemin étroit comme  le pantalon serré firent qu’on s’embourba.
« C’est écrit comme du Sévigné chauffée de ses vapeurs, » dit la soeur, à cause du « comme », et sans succès : les garçons ne lisaient que Bleck-le-Roc et Rahan ( qu’ils surnommaient Black-le-Toc). On patina, on rôtit la boue au caoutchouc, on chercha des pierres, des branches, des fétus, de quoi tirer, quelqu’un pour qu’il pousse.

C’était le Congo Brazzaville à Neuf-sur-Essonne.

 

La trace d’humain éparpillait des poches claires de boue, qu’aurait effacé une prochaine traversée de pâturage, si le troupeau n’avait inquiété par la densité des cornes. D’ailleurs, il n’y avait pas de troupeau. Un encore paysan, parvenu à l’heure du deus ex machina, conclut cet épisode comme dans une fable.

Bien après, quand ils arrivèrent, de boue vêtus et d’impatience tendus, Mum – jamais inquiête – demanda si acheter un pantalon tellement salissant avait été une bonne idée ? Et, d’une analyse experte, pour après le thé au gingembre, elle proposait de desserrer un peu les coutures. »Bonne idée, ça fera de l’air à la jonquaille », dit la sœur.

Pendant ce temps, peut-être, disait Mumpendant qu’elle reprendrait les coutures, la soeur pouvait-elle montrer à Ydit, même s’il n’en n’a pas,  comment on se sert du tourne-disque installé dans sa chambre, pour écouter des vedettes, car il n’y a pas de sot début à l’afternoon, n’est-il pas?..hardy,_francoise,_hallyday,_johnny_&_-vartan,_sylvie_1963


Didier Jouault  Yditblog  N° 55


 

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YDIT-TROIS, comme annoncé, d’abord « PREVIOUSLY » 7: de nouveau la première saison, celle des « Séquences Publiques d’Oubli », car les deux projets sont emmêlés en échos, Oublis à commencer par un étrange personnage, Virginie, passage pas sage – après les SPO du Politique, les SPO du coeur -ou prétendu tel ( on a su et vu que les images impudiques ici balaient l’impudeur). Voici donc la…rediffusion de la SPO datée 3 aout 2016 ( encore un clin d’œil à l’été ?) ==> « YDIT blog n° 25 : Un cocktail tranquillement bu au bar de l’hôtel Crystal. »

 

Séquence Publique d’Oubli 25, l’été c’est léger.


Un cocktail tranquillement bu au bar de l’hôtel Crystal

 

Germaine, notre désormais  familière Germaine-la-composteuse, compagne de tant de dérives et de changements d’horaire avec correspondance voie B pour Montauban, Germaine détendue par l’annonce d’une interruption prochaine des services (congés d’été, mouvement social, remise en état d’une voirie délabrée ?), Germaine interroge Ydit égaré sur le quai de sa gare : En gare d'été

«  Je vous vois plus sur facebook avec les S .P.O., il y a plus que des vieilles omissions ? »

Aucune réponse ne vient. Ydit ne commente pas les commentaires, sinon c’est la fin.

Germaine insiste.  Va-t-elle devenir le Sancho  de l’Omission ? La docteur Watson des S.P.O. ? « Pourtant, dit-elle d’un soupir,   les Séquences Publiques d’Oubli, ça sert à l’élimination des surpoids de la mémoire, et,si vous voulez mon avis, un petit régime  vous ferait pas de mal de ce point de vue là, si on y regarde de plus près. »

«  Allez. Rien qu’une légère SPO d’été, une anisette de SPO, une SPO en bikini mini ? Une merguez sur une braise  d’Omission, pas trop brûlée ?», enchaîne la madone des Interrails, déchainée par l’été. Que faire pour qu’elle atteigne au bonheur du silence ? Un bonheur que peu connaissent. Vanter en vers homériques les victoires de la locomotive ? Ecrire l’Odyssée de la traverse ?bienvenue aux missions

Ydit, après avoir posé les mains sur sa taille (pas si trop large), renonce à se taire malgré les orages du monde.

Il faut avouer que l’entreprise même de l’Omission interdit le mutisme. Avant que Germaine lui demande s’il oserait dire sa phrase en public : « L’Omission  interdit le mutisme », Ydit choisit l’aimable refuge du récit.
Mais un préambule :« En ces temps de massacres et de ravages, publier des facéties ou creuser le  nombril du  souvenir est un projet sans doute  trop minuscule. Comme le parcours aveugle d’une fourmi dans la montagne, poussière d’insecte  repoussée par le vent des hommes en furie. »

Cependant, l’auditoire insiste et Germaine s’en fiche, des fourmis. Pour un peu, on scanderait : « YDIT-OMISSION/ YDIT-OMISSION/  YDIT-OMISSION ! ». Omission ferroviaire ,horaires d'été

Dans un ministère, ça va, dans une gare non.

Alors, parce que l’été passe toujours mieux avec un cocktail même amer tranquillement bu au bar de l’hôtel Crystal, Ydit raconte. Mais légèrement. L’été, c’est léger. Germaine prépare l’espace de l’Omission. On peut compter sur

son sens ferroviaire de l’organisation .

Ydit veut faire simple donc vite. Voici donc : « Elle s‘appelait Virginie, elle avait vingt-deux ou vingt-trois ans et Ydit trente-cinq. Il dit qu’un jour il entrait dans le bureau  de Virginie pour  travailler (il vivait d’écrire, à l’époque). Elle lui donna une pige somptueuse, tous frais luxueux payés, classe Affaires pour l’Ecosse, reportage saumon et whisky. Glen et fumage, comme un tournage. Tout ça. Prenant sa main : « Comme j’aimerais pouvoir devenir l’abeille qui va  butiner le miel puis se poser sur de tels doigts ».

Germaine fait signe à un jeune couple de vacanciers traînant devant la sandwicherie : heure de la passion estivale plutôt que du jambon-beurre. On va en écouter de belles . Et ça va mal finir, forcément , puisque c’est des «  OubliEs ».un public vite lassé

 

 

Tout le monde est pressé,  chacun veut attendre son train solitaire,

 

mais le geste maternel de Germaine accroche quelques badauds fuyants.

 

D’autres tournent le dos au bonheur de l’aventure narrative.

 

 

« Avec Virginie, raconte Ydit, on est allés au musée Galliera, ou à l’Opéra, ou au chocolat, des jours à l Opérachez Angélina .

     Nièce du propriétaire de la holding possédant la boîte à piges, espèce d’anonyme  patronne en herbe,  Virginie aimait qu’on la sortît, qu’on la vît, qu’on  lui dît qu’on l’aimât. Qui de plus banal? »

Alors Ydit évoque les jours quand il l’emmenait sur les routes, pour les plus inattendues des étapes chic . buffet de la gare

 

Elle conduisait vite  bien sûr la petite voiture anglaise et

on allait en soirée à Sarcelles ,

des week end à Fontainebleau

un petit pavillon à Sarcelles

où Ydit  affirmait  qu’il était né.

 

Au début, ça l’amusait, la Virginie.

 

Le week-end, ajoute Ydit, elle disparaissait chez son oncle, dans une vaste propriété de Fontainebleau où l’on se changeait avant de passer à table.

Pas question qu’Ydit  mette là ses  pieds, encore moins les mots ! On n’était pas du même monde.

Silence  de la nièce sur l’exotique aventure avec le vieux pigiste – Virginie fait ses expériences :

photo du silence

photo :Jitka Samajova

…traversée clandestine  de la belle sur l’océan plat du peuple, on tire des bords sur la chaloupe du désir pour parcourir les bassins quotidiens de l’ennui .

Mais c’est même pas aussi pétillant que Versailles.

C’est ça, les jeunes femmes de bonne famille, pour la pétille, elles préfèrent le Krüg au Proseco. Même si pour les câlins elles ne s’effraient pas du hors d’age.

Dans la gare, les auditeurs ont la prescience de l’échec. Ils s’émoustillent ? Non, ils s’éparpillent. Pas le moment d’entendre des machins tristes, ces temps-ci, vraiment il exagère Ydit.

Germaine, cependant, reste là. Inépuisable ressource d’un public fidèle- même si rare que réduit au singulier.

Ydit semble las, bien qu’ailleurs : dans les ourlets de la mémoire.

A voix basse : « Virginie s’amusait de son périple en pays de populace, mais ne donnait pas davantage que le service minimum.

dessin de l'absence

Image:  Cécile Charvin

 

Souvent, fatiguée, elle laissait Ydit devant sa porte.

Pour y dormir en travers dans son manteau de spadassin ?

Quand ils partageaient la nuit, elle le poussait dehors à l’aube.

 Un matin, elle avait eu besoin de lui, il avait dormi là. Alors qu’au déjeuner  Ydit laissait une main glisser le long d’une cuisse découverte par le kimono de soie noire qui allait si bien à la blonde Virginie, elle l’avait regardé en dressant l’expresso entre eux comme un phare  éteint sur l’îlot de leur fausse présence :

« Tu as du miel sur les doigts, tu devrais plutôt aller te laver ».

Difficile atterrissage du désir, le difficile atterrissage du désirqui est pure illusion d’envol dans les miroirs vides de l’absence.

Exlique l’ Orateur.

Quelques jours plus tard,Ydit l’évoque à voix basse dans la gare tonitruante, il l’avait invitée dans un restaurant chic – presque le coût d’une pige -. En bas, au retour, hésitante, elle avait dit :

« D’accord, monte, mais dormons !» 

Si l’on en croît le récit qu’Ydit murmure dans la honte des tumultes, elle aimait dormir nue. Comme, dans le grand air des fenêtres ouvertes sur le jardin de l’hôtel particulier, il se laissait aller à ne pas négliger cette donnée de base,le diner au Palais Virginie soudain s’était mise assise dans le milieu du drap.

Rallumant les lampes, buste rigide , et regardant Ydit depuis le fond de sa banquise :

« Eh Quoi ,Ydit, c’est non, mais puisque c’est non,  veux-tu, alors,  que je te rembourse le prix de mon dîner si cher ? »

Puis avait éteint de nouveau, sans tirer le drap tant il faisait chaud malgré sa glace. Laissant Ydit dressé dans la nuit sans décimales,décimé par  l’humiliation parfaite.

                    Le prix du dîner. Non mais quoi.

                             Si cher.  Rembourser.la nuit 3,14 sans Seize

                                        Dormait nue.  Plat de lentilles.

Sur la voie E , Ydit fait maintenant  silence comme on fait pénitence. « Témoin, vous n’avez rien à ajouter? » demande le contrôleur.


                              « Et c’est  rien que  ça, l’Omission d’été ? » s’enquiert Germaine ?


Ydit , montrant la marquise d’un geste lâche :

« Poésie , Germaine, pure poésie, Ydit et Virginie c’est la  rencontre d’une merguez avec une  flute de champagne sur la table d’un pigiste, et … comment on se réveille passé de chien andalou  en chien de manchon.

                            Vous avez pas  un peu de Krüg rosé au frais, Germaine, des fois ? »


 

Didier JOUAULT

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YDIT-TROIS, comme annoncé, d’abord « PREVIOUSLY » 6 : la deuxième saison, celle des voyages en villes italiennes du nord, et le si long arrêt sur images de FERRARA, l’éblouissement des ruelles et de l’Histoire, l’accueil révolutionnaire des Juifs par un prince Renaissant, les mages et Silvia en images-l’absente hôtesse, de qui naquirent les pages puis les posts du « Jardin de Giorgio Bassani ». Voici donc la…rediffusion double, telles quelles des séquences datée du 9 juillet et 12 juillet 2020, où l’on peut lire que déambuler dans la nuit de MODENE, c’est surgir dans la lumière de FERRARE ==> »YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisodes 13/99, et 14/99 Chapitre 4 – milieu et fin. »

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Donatello ? Non, je ne vois pas ? Ah oui, Donatello !

Deux ou trois cours étroites, enchainées de guingois, des arbres dont les pieds sont enterrés sous des lattes de bois peintes de couleurs virulentes, des poutres de large troncs équarris au carré, des tables délavées par les verres, la pluie, l’imprécis mouvement des amants pressés d’en venir aux mains avant la fermeture. La dernière cour, apparue au terme d’un couloir décoré d’affiches et de programmes contient une fête surprise dans sa fin.


Arriver dans une fin, c’est le meilleur moyen de savoir si on va trouver des raisons, ensuite, peut-être, parfois, faut voir, de revenir au début.
La fin en cours révèle des vérités discrètes, que le début maquille encore. Une certaine usure a des saveurs d’indiscrétion.
Des intermittents, si le mot a du sens ici, replient des fils et rangent des micros, la pluie ne tombe plus sur la scène. Des groupes de filles- surtout- et quelques types, dont un jeune blondin – si le mot a du sens ici –bouc frisé, catogan séchant, pantalon à bretelles et bandes marron-blanches sous lequel battent en cœur ses grosses fesses molles et, quand il bogue et bouge, ce qu’on imagine d’un sexe non moins flottant. Longtemps, faute de me coucher de bonne humeur, je me suis demandé ce qu’est un « parquet flottant », craignant de voir l’eau surgir entre les lattes de mon insomnie d’hôtel. Un sexe flottant, sous l’étoffe, je devine sa fatuité de vacuité. Tous me regardent les regarder. C’est une étrange façon de vivre que celle d’observateur. Le Hibou, ce bon vieux Restif de la Bretonne, en tirait des leçons grivoises, et Rousseau ( mieux connu des écolières) des pensées dites fécondes.

Mais mon regard d’infatigable baladeur produit l’effet habituel, on s’écarte du regardeur. Merci, les petits, laissez un peu d’oxygène au vieux.

Les étudiantes dervichent sur place, le gin donne un rythme syncopé mais un peu décalé, las et rapide en même temps, comme un voyage prévu par un homme âgé. Le reste de Modène dort, sur les tombes de Ducs d’Este, la chambre des sœurs, les cellules des moines, les prisons des immigrés. Sans trop d’effort, je résiste au désir d’un blanc glacé, ou d’une danse avec le sourire vaguement niais d’une pré-trentenaire de Modène découvrant à la fois les effets du gin et des épaules tièdes sous la paume. Mais ça n’existe pas.
Un barman un peu trop pas rasé tente de rester dans son maillot malgré des gestes professionnels d’agité du shaker.
Comme j’ai tourné la tête vers les trois étudiantes jouant à short me vois-tu, et que l’une d’entre elles cherche la compagnie d’un siège ou d’un vieux…

…le barman quitte vivement son installation provisoire, une bouteille vide de gin haut de gamme en mains, comme pour la remplacer, puis revient avec la bouteille aux trois quarts pleine : gin de contrebande, à la place du gin cher pour verre d’étudiante. La vie, mode d’emploi, c’est ça. Le type au catogan a déjà trop bu pour s’apercevoir de l’arnaque, et ses fesses n’ont pas encore appris le poids des lendemains de mauvais alcool. La fête à Modène, dans ce lieu étrange et dissimulé, ressemblerait à ce cocktail trompeur, à ces mannequins ?


Les cours se sont vidées, le long couloir vers la sortie est comblé de nuit noire. Je marche derrière les derniers fantômes qui savent éclairer la route avec la lueur étrange du smartphone.
Commence l’exploration de la faille.

Refusant de même penser à revenir sur mes pas, comme toujours, je choisis un carrefour, une avenue à droite, non, à gauche, qui éveille un vague souvenir, mais tout à l’heure il pleuvait. Mon errance travaille seule, heures supplémentaires défiscalisées, moi je marche parmi les rues supposées me conduire vers le quartier plus populaire de Stéfania, hors les murs. Le plan du centre-ville est simple, lui aussi un peu pentagonal, mais j’ai abandonné ma carte sur la table du restaurant, que je ne saurais plus retrouver, qui est de toute façon fermé, le serveur et son couple d’amis partis ensemble fumer une dernière cigarette dans le pub du centre, il n’y a plus rien à retrouver.


Par deux fois, dans les détours de la ville déserte en lisière d’un boulevard moins pénombreux, je croise des groupes de quatre ou cinq garçons, l’absence de filles fait de leur présence une inquiétude, mais les premiers se contentent de répéter une danse, slam bruyant sous l’écho des arcades, faute de local sans doute, et les autres chahutent dans l’air enfin allégé de la nuit. De curieux indicateurs conduiraient vers des caves où la fête continuerait à sa façon, comme dans toutes les villes touristiques, mais ce ne sont pas ces genres de notices que je rédige ici.

Je m’en veux d’être dehors sans batterie de secours pour l’IPhone dont j’ai épuisé l’énergie par de nombreux messages, comme souvent. Des messages vains pour batterie vide, à mon age.
Une fois de plus, je n’ai rien prévu et je suis parti avec l’intime conviction que je m’en sortirais de toute façon, de la rue, de la nuit, de la vie, de Modène. Je ne croise presque personne.
Toujours, j’ai prétendu me débrouiller, moi tout seul, l’idiot de la famille.
Tout est lent, et inutile, j’ai perdu ma route.


Qu’est ce qui ressemble davantage à une façade usée qu’une façade délabrée ? Ombre et platanes, ruelles prises de court par une avenue trop droite, hélas identique à celle quittée une heure avant. Dans la nuit et le temps qui passent, des urgences s’imposent, mais cette ville n’a pas davantage d’urinoirs dans ses coins que de plans lisibles affichés aux carrefours.

En vitesse, craignant le voisin ou le policier insomniaque, ou pire encore les attardées de la fête, j’urine avec honte et précipitation contre un coin de pénombre. J’imagine le sourires des Jeunes Turcs de l’Agence : c’est fini, le vieux ne se tient plus…

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Didier Jouault pour : YDIT-suit : « Le Jardin de Giorgio Bassani », épisode 13/99, Chapitre 4 – milieu. A suivre

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CHAPITRE 4 – FIN , EPISODE 14/99

De Modène à FERRARE , lieux de la Résistance de Giorgio Bassani, espaces du fascisme triomphant de la ‘République de Salo’, mais à cette date de publication – 12 juillet 2020- le récit ne parvenait pas encore à ces places d’ombre ==>YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 14/99, Chapitre 4 – fin .

Donatello? Vous dites Donatello? Ah oui Donatello !

Dans la nuit et le temps qui passent, des urgences s’imposent, mais cette ville n’a pas davantage d’urinoirs dans ses coins que de plans lisibles affichés aux carrefours. En vitesse, craignant le voisin ou le policier insomniaque,(à cettee heure ci les ultimes fêtardes sont rentrées) j’urine avec honte et précipitation contre un coin de pénombre. J’imagine le sourire des Jeunes Turcs de l’Agence : c’est fini, le vieux ne se tient plus?..
Enfin, trois minutes plus loin, devant une gare routière désaffectée, un taxi est là, incongrument posé, habitacle lumineux, chauffeur lisant un journal. Je peine à le croire, ça fait imitation de Magritte par un première année des Beaux-arts, pourtant c’est vrai.
Je lui explique mon état : touriste, perdu, imbécile, sénile, quasi Alzheimer. Il paraît acquiescer. A cause de mes cheveux gris ? Je lui demande s’il veut me conduire, mais ça ne semble pas être ce qui l’occupe, conduire, ce soir . On dirait qu’il est venu lire son journal du soir en l’attente du matin, devant une salle d’attente fermée, sans entrain dans une gare sans train, manque plus qu’une glace sans tain.


Où vais-je ? A son tour, il me reprend un peu ironique sur l’accent tonique. Donatello ? Non, je ne vois pas ? Ah oui, Donatello ! De toute façon, c’est trop près pour une course : il m’indique le chemin…C’est juste à côté mais je tournais en rond. Ce ne sera pas la dernière fois. A Ferrare, pour la via vers la maison de Giorgio Bassani, ce sera la même chose.
L’aube d’été donne à voir les premières formes et dévoile des débuts de couleurs. Les bruits de volets roulants marquent le retour des travailleurs. J’aime le bruit des travailleurs, c’est la rumeur de mon enfance.


La clé pénètre mal dans la serrure de chez Stéfania, 3ème gauche, mais peu importe. A cette heure-ci, on a toutes les patiences. Le sommeil va être court, et pas besoin de Théralène, douze gouttes, quinze gouttes ? Même pas le temps de rêver au jardin de Giorgio Bassani. Tout juste, faute de mieux, la songerie sur Ferrare.

A présent, pendant que le monde et lui s’endorment à Modène, imaginant cette presque (bientôt !) deuxième arrivée à Ferrare, dans la rêverie encore dirigée du premier sommeil, le voyageur malgré tout serein serait assis de biais, Silvia se demanderait pourquoi, un peu à la façon d’un qui seulement passe boire un Spritz chez la voisine, du thé à la menthe chez la cousine. Un doigt de cousine marque la limite.
Il ajouterait de courtes notes à son « GUIDE DES VILLES d’Italie du nord, Renaissances et Résistance », dont la mention d’éditeur resterait cachée par l’ombre que le chat dessine sur la table rose du jardin. Silvia proposerait des conseils d’amie sur la façon de parcourir la jardin.

A sa place, au visiteur, je me méfierais.


Des adresses. Des horaires. Des fausses ouvertures. Des spécialités locales.
A la fin du séjour à Ferrare, l’après-midi du départ, encore trois ou quatre jours plus tard, mais tout compté cela fait peu de jours, Silvia dirait à nouveau à quel point elle aimerait que cet homme-là revînt la visiter, oui, lui, cet homme, ici, dans l’ombre triangulaire du jardin, c’est cela qu’elle lui dirait dans une étreinte. Ou ce qu’il peut imaginer de leur séparation dans Ferrare.

Il serait impossible de distinguer entre une forme d’émotion- atténuée mais vive-et une récitation aimable de formules d’adieu stéréotypées, un produit dérivé de la rhétorique courtoise, un boniment de logeuse toujours en peine d’équilibrer le budget de son duplex avec jardin. Plus sincères, les prostituées de jadis, paraît-il, finissaient leur pratique par un « merci chéri », mais le service était plus vite rendu, dit-on.


Silvia exposerait sa silhouette comme projetée par trop de lumière. Parce qu’il serait sur le point, susurrant et suave sans souplesse cependant, de se séparer pour toujours de cet endroit, enfin se couper de l’étrange lien de soumission avec Ferrare, elle ordonnerait ses paroles dans le registre toujours fécond des Mots pour Mémoire, à la lettre M qui débute aussi les paroles de
Mésaventure/ Mourir/ Méthode/ Maudire/ Morceau/ Moine/ Manquer/ Magnifier/ Maison/ Montée/ Mentir/ Mystère /Massif/ Musarder
Mura (LA)
Tout se nourrit de présent pour accabler la mémoire, si on veut. Enchevêtrée par son embrouillaminis de mots capturés dans des Encyclopédies vite lues, par son jardin de lumières et de résignations, par ses bravades et ses oublis, ses chattes et ses bouteilles, la mémoire de Silvia s’habille d’abord d’une robe de déni de mots, et le message adressé à tous les visiteurs est un palimpseste illisible. Mais je ne déteste pas les millefeuilles, j‘avoue.


Voilà pourquoi « Le jardin de Giorgio Bassani« , et le supposé secret qu’il protège, ne sont sans doute rien d’autre qu’une métaphore. L’histoire de Ferrare, Renaissances et Résistance, devrait aussi être nommée Renoncement, si on écoutait les propos décousus de la logeuse.
Se demandant une fois encore si ces balivernes n’étaient pas étrangement étrangères à son chemin d’étranger, le visiteur finirait par se mettre debout.

Ce sera trois ou quatre jours plus tard, après cette présente nuit d’insomnie, au moment de quitter Ferrare pour la deuxième fois. Seul, en bas de la terrasse où serait à présent montée Silvia, et lui n’osant trop lever le yeux car, d’ici, en contre –plongée, le regard vite fouillerait l’en-dedans d’une trop large jupe évasée, la blanche, tissu vaporeux, sans qu’on puisse apprécier de là si le bref passage sombre est le surgissement d’un string noir ou d’une toison vive, ne pas regarder, ne pas savoir, Silvia cependant voit qu’il voit, il semblerait que cela ne la trouble pas, ensuite on pourra toujours imaginer, donc rester debout, prêt à marcher devant, suivant le souffle qui déplace la dune, et battant le rappel de ses chameaux.

Mais tout cela, c’est plus tard, à la fin du récit sur FERRARE, quand on aura découvert, si jamais on le trouve, va savoir, rien n’est sûr, un vrai secret dans le prétendu jardin de Giorgio Bassani.

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Didier Jouault pour YDIT-suit : « Le Jardin de Giorgio Bassani », épisode 14/99, Donatello? Ah non, je ne vois pas…Chapitre 4 – fin . A suivre

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YDIT-TROIS, comme annoncé, d’abord « PREVIOUSLY » 5: la deuxième saison, celle des voyages en villes italiennes du nord, et le si long arrêt sur images de FERRARA, l’éblouissement des ruelles et de l’Histoire, les mages et Silvia -l’absente hôtesse, de qui naquirent les pages puis les posts du « Jardin de Giorgio Bassani ». Voici donc la…rediffusion telle quelle de la séquence datée 30 juin 2020 ==> « YDIT-SUIT : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 9/99, Chapitre 3 – début. Deuxième passage à Ferrare. »

Chapitre 3 : L’orage éclate sur le quai 3.

Mon âge transforme en errance tout parcours, en déviation toute attente, car au fond est-il jamais d’autre inquiétude véritable que d’arriver trop tard, pas en bon état, sur le quai ? Imagine que tu rates le dernier train de ta mort, quel bazar.
A la fin de l’été, j’avais cependant décidé un retour vers l’arrière, à FERRARE,
quittant le front de l’avenir en construction, comme si quelqu’un m’y attendait réellement-pour autre chose que me vendre des nuits de BnB. Pourtant, quelle serait la raison pour laquelle Silvia se souviendrait d’un voyageur, si par une nuit d’hiver? Elle n’embrasse que les chattes.

Le mieux, c’est l’hiver sans les visiteurs. Photo Silvia B.


J’avais entrepris de terminer par FERRARE une nouvelle petite tournée de villes, comme s’il avait été possible de se fatiguer, d’user par d’autres étonnements les capacités de surprise et de détournement qu’offre la cité « Entre les murs », à la façon d’un gourmand devant le cinquième gâteau. En somme, inspiré comme un Sultan, j’introduisais Ferrare dans le harem jamais achevé que forment les villes du nord italien. Ce genre de métaphore, à l’Agence, quand ils reçoivent mes notes, les ciseaux des Juniors ne laissent pas survivre. Ils ont raison. Seul notre aîné de l’équipe, Sergi (Sergio? Sergui?) sait encore apprécier, il m’envoie un « like » discret, depuis les terres qu’il aime, et son coeur si carré..


J’avais prévu trois villes, comme dans les temps de mes missions en activité, trois c’est bien, Trois Villes ça résonne auteur sérieux, après on mélange. Le lien qui les unissait restait un fil tordu : la présence de la famille d’ESTE, qui avait régné à Ferrare au grand moment historique de l’accueil des Juifs expulsés d’Espagne par les super cathos déréglos, le regrettable duo Aragon/Castille, tout un destin, et même pas une musique de Bobby Lapointe (mais qui connaît Bobby ?), la période fructueuse de « l’Extension » multipliant par deux la surface habitée de la ville. Il suffit de regarder un plan, d’un côté le fouillis, de l’autre les Princes. Et aussi la propriété des Finzi Contini, maison, tennis (en fait rien de cela ne fut réellement ici ).

Les trois villes dessinent un triangle dans le nord italien, lieu – comme on sait- des bonheurs jamais déçus : Modène, Mantoue, Ferrare. Mantoue, je dis ça pour les historiens assez grincheux, Mantoue parce que Borgia, Lucrèce, oui, c’est bien elle, n’oublions pas que la petite a été – jeune- mariée à un duc de Ferrare.
Parti pour une semaine solitaire, j’ai emporté peu de livres. En cette saison, les soirs s’usent en terrasse, avec le ristretto témoignant de mon incohérence banale, car ensuite ce sera Théralène, quinze gouttes ce soir ? « Ouh la la, c’est trop », dirait la jeune docteur Clémence Meunier, mais elle ne sait pas me refuser une ordonnance si je fais mes yeux doux de quasi vieillard insomniaque. Préparant le périple, j’ai fouillé en vain les rayons de la bibliothèque familiale, on n’y trouve jamais le livre qu’on cherche. Quelqu’un, après dîner, l’a emporté.
Donc, chez moi, pas de « Jardin des Finzi-Contini ». A la médiathèque Marguerite Duras, toute neuve et toute proche, c’était l’un des deux Bassani que désignait l’ordinateur, le situant : «En salle, troisième étage, espace B, Rayon 2 ».
C’est ça, l’Intelligence Artificielle, ça sait tout sur rien. Mais, là encore, le « Jardin » est absent ? Drôle d’idée, un jardin « sorti ». Le bibliothécaire de service demande comment cela est possible, et s’avoue incapable de le loger,ce planqué. Un Lecteur incivil ( elle me regarde, écarte le soupçon, j’ai toujours eu l’air propre et bien rangé dans mes affaires) l’aura feuilleté, puis déposé ailleurs. Avec la Science fiction? Pourtant, fait rare, c’est rare, dit-elle, mutine, qu’on lise du Bassani. Je me sens commencer à intéresser. Rien de tel : parler de livres rares à des professionnels qui s’ennuient.On pourrait prendre un verre? Mais non, c’est trop tard.


A la place, j’ai emprunté « Les Lunettes d’or et autres histoires de Ferrare». Plus tard, revenant de voyage, la libraire du quartier me conseillera l’édition Quarto de Gallimard , qui est un peu ancienne (2008 je viens de vérifier, mais j’avais rangé le bouquin au lieu de le laisser à portée de clavier, j’en profite pour me servir un café). Le volume réunit l’ensemble des œuvres publiées, sous le titre «  Le Roman de Ferrare », comme on écrirait « de Renart ».
Les fichiers du prêt sur place demeurent silencieux sur Bassani ( hormis des occurrences pour un manuel de viticulture toscane). Comme si l’auteur souffrait d’une certaine panne de postérité? Rien, non plus, à partir des entrées «  Este/Famille d’Este », en dehors de cet ouvrage collectif et si savant, émouvant recueil en hommage au cher professeur Edouardo Marivoli, ce spécialiste bien connu de la poliorcétique dans l’Italie du Nord entre 1492 et 1547, ce fut son Grand Œuvre, son Everest sans camp de base, ses mille et une nuits de cent une vierges, faites le calcul. Au moins ça valait la peine, la poliorcétique.

J’ai photocopié quelques passages, croustillants de très inutiles certitudes. L’érudition, c’est ça. Et ça parle de Ferrare?
A l’Agence, on témoigna de la bienveillance très souriante par laquelle, depuis ma cessation d’activité, on marquait une espèce de charité à l’égard du vieux qui espère ne pas montrer qu’il est déjà tout entier passé du côté de l’absence.

Allez, que j’écrive de courtes notices de visite, et, oui, on les lirait, bien entendu. Et, oui-oui, aussi, oui, des notes de frais, pourquoi pas, mais pourvu que ça reste discret et raisonnable, pas comme les fameuses notes sur Samarcande… Modène, Mantoue, Ferrare, ok, ok. d’accord. Bon, à présent, puisque c’est calé, si je pouvais enfin tout de même laisser travailler qu calme sur de véritables urgences, les Juniors c’est pressé, merci, ciao Ydit…

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Didier Jouault pour « Le Jardin de Giorgio Bassani », épisode 9/99, Chapitre 3 : L’orage éclate sur le quai 3. Début. A suivre ...le 02 juillet ?

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YDIT – TROIS comme annoncé, les retours. »Préviously » 4 ==> De Modène à FERRARE, lieux de la Résistance de Giorgio Bassani, espaces du fascisme triomphant de la ‘République de Salo’, mais à cette date de publication – 2 juillet 2020 – le récit ne parvenait pas encore à ces places d’ombre ==>Replay : « YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 10/99, Deuxième passage vers Ferrare, Chapitre 3 – milieu, daté du 2 juillet 2020, ce qui nous fait anticiper l’été? »

Chapitre 3 : L’orage éclate sur le quai 3.

Qui, parmi les amoureux de l’Italie, peut se vanter de connaître Ferrare ? « C’est pourtant, après Venise, la ville la plus fascinante du Nord », écrivait Dominique Fernandez, dans sa préface de l’édition Folio de « Les Lunettes d’or et autres histoires de Ferrare », mon volume donnait 1999 pour l’achevé d’imprimé, toutefois le premier dépôt légal datait de juin 1992. Quant à l’édition originale de la traduction par Michel Arnaud, elle remontait mpréhistoriquement à 1962. Rigolant, Mark se demandait si j’allais, maintenant à la retraite, à mon tour proliférer la notuscule, fourmiller l’infrapaginale, prospérer du renvoi en Notes, façons trop faciles de saturer les rapports sans rien dire, et de combler sans coût par des chiffres les trous dans la mémoire.
La suspension du temps des aérogares est une chaloupe mouvementée par le mascaret des incertitudes. C’est toujours trop long, trop béant, malséant, malassis, mon poulet. Avant que le vol commence, au milieu de ces instants où l’on doit partir sans savoir si tout est là, j’ai relu mes notes de préparation : long et minutieux travail de choix des villes, de l’ordre de visite, des dates, même des horaires de train. Je suis un homme de notes et d’images mentales. Pas de place pour le hasard. Je déteste le hasard, serait-il appuyé sur un coup de dés. Ce genre de phrase, ma collègue Cécile m’en fait souvent le reproche, l’allusion déformée à l’obscur Stéphane, une personne sur dix comprend,dans les milieux éclairés. Pourtant, c’est plutôt presque par hasard que j’ai découvert Ferrare, la première fois, et que je voulais ne pas me contenter d’un séjour à Parme dans l’ombre de la Mosca, ni à Venise : la riche Peggy et ses chiens enterrés dans le jardin près du canal, le Sollers en goguette de gogo plein les mirettes pistant les shorts comme un renard ses poulettes, on ne peut pas rester dans la surface des eaux mortes, des peaux mortes, des âmes mortes. L’ami Sergi trouve que j’ai le profil slave, le soir, dans l’ombre des arcades.


Une fois de plus, cependant, j’étais parti trop tôt, et j’attendais au milieu de touristes. Partir trop tôt c’est comme mourir trop vite. Pensée d’embarquement, pas la peine de noter, ce serait plutôt utile de présenter votre passeport, au lieu de rêvasser sous le portique, tel un philosophe de Replay, et embarquer pour s’y taire.
A mes yeux, aucune raison de s’inquiéter, mais, après cinq échanges WhatsApp, la propriétaire de l’appartement loué à Modène m’appelle de nouveau, en live. Elle m’attend .Si, Oui, tout est bien, et je voyage, donc tout attend. Même le récit du voyage.


A Bologne, entre l’avion et le train pour Modène, une étape de mémoire.Il y a la façade d’une gare éventrée, jadis, par l’explosion de la haine noire : des plaques portent la trace et les noms des victimes, presqu‘hier, les victimes de la terreur brune, dont on aurait oublié le nom, si la plaque n’en comportait la liste, et la date de l’attentat. Si je crains de perdre mes souvenirs, c’est que disparait d’abord la présence des noms des autres.

(statues F Brochet )
quarante ans plus tôt, et encore quarante, mais encore maintenant


Et voici que resurgit en moi l’Italie, comme un remords ou un repentir, ou comme la certitude intime d’une mémoire inaboutie. Dans la recherche du souvenir, la mémoire vieillit mal, ou vieillit plus vite.

L’orage éclate sur le quai 3. Les jeunes foules s’abritent comme pour un ancien horrible départ.

Dernières fuites avant la tornade, les gouttières sont comme les rides de l’âge sur les visages d’un voyageur qui ne saurait plus trouver ses propres larmes.

Ensuite, Le train pour Modène s’annonce avec vingt, puis trente-cinq, puis soixante-dix minutes de retard. On change de billets, on erre, on s’inquiète paisiblement. Tout ceci, après tout, n’est que légèreté du voyage et passage d’images.

La logeuse s’impatiente, inquiète. Effrayée du retard. Désolée de l’orage. Honteuse de l’état du réseau. Peinée de savoir que j’ai froid, sans doute ? On sent qu’il va falloir la tenir à distance, la dame loueuse, comment déjà ? Sur l’iPhone, je retrouve la fiche Airbnb : Stéfania.


Glacé, peu abrité, car les marquises n’ont jamais couvert les garçons de mon age, je regarde en souriant des voyageuses dont le short ne protège rien qui ne devienne visible, tant la pluie à torrent ajoute des plis aux plis et renforce les formes des formes.
A Modène, le chauffeur du taxi blanc me snobe un peu sur mon accent tonique. Donatello, dis-je, et il fait mine de ne pas entendre, se gratte le menton, puis prononce : ah, oui, Donatello.
Le petit appartement n’est ni charmant ni près du centre. On me reconnaît là. Et je constate ma célèbre ( j’aurais bien utilisé «  funeste » mais qui comprend encore ce mot ?) capacité à commettre l’erreur banale des hommes vieillissant : choisir mal, décider vite, commencer tôt. C’est qu’on n’a plus trop le temps ni le goût des méandres.
La route de Ferrare exige des lenteurs, des approches sinueuses de vieux sage toutefois prémuni contre les précipitations, d’indien sans calumet allumé. Je veux m’offrir le plaisir de séduire l’impatience qui mène au jardin rose.


Donc, en premier, Modène. C’est une drôle de ville où l’on vend partout des petites bouteilles-souvenir de vinaigre balsamique, comme ailleurs de l’eau bénite,des flacons de concentré de saveur balsamique en guise d’huile solaire pour excursion polaire, des T Shirts à couleur balsamique, des chaussettes balsamiques, des burgers au balsamique.Des logeuses balsamiques?
Burgers, encore, ça va, j’aime ça, et je me demande soudain si la saveur si particulière du Ferrara burger au Gourmet Burger à l’angle de la rue Mazzini Silvia me le conseillera ?

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Didier Jouault pour : YDIT-suit : « Le Jardin de Giorgio Bassani », épisode 10/99, Chapitre 3 – Deuxième voyage vers Ferrare . L’orage éclate sur le quai 3, milieu. A suivre…

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YDIT-TROIS, comme annoncé, d’abord « PREVIOUSLY »3 : la crue seconde mais désormais deuxième saison, celle des voyages en villes italiennes du nord, et le si long arrêt sur images de FERRARA, l’éblouissement des ruelles et de l’Histoire, les mages et Silvia -l’absente hôtesse, de qui naquirent les pages puis les posts du « Jardin de Giorgio Bassani ». Voici donc la…rediffusion telle quelle de la séquence datée du 1er avril 2020 ==> « Retro calendrier de l’Avant 7 : éclairage du jour d’avant. »

flèche départ

Il va de soi que les accélérations ralenties du temps imposées par la crise épidémique, les paniques, les enfermements, les files d’attente (pourvu que je puisse acheter ma baguette quotidienne)IMG_5370, les inquiétudes légitimes et les angoisses

millénaristes léguées par des centaines de Pestes incompréhensibles, tout cela pourrait colorer mes petites menues fragiles publications d’YDIT-BIS d’une teinte rose pâle, couleur de l’inutile?

pourrait réduire mots et images aux dimensions dérisoires d’une pièce de cinq sous dans la main de King-Kong, d’une toile d’araignée protégeant la tranchée du chemin des Dames, si..

Mais, si  ?

Les quelques textes depuis peu publiés ici – et ceux qui vont suivre pour deux ou trois séquences – ont été conçus début janvier.

Alors, était conclu – juste à temps – le travail d’écriture qu’un double passage à FERRARE  l’été, comme de façon indiscutable, m’avait conduit à réaliser, sans hésiter, toutes autres écritures cessantes.

J’écrivis au jardin, j’écrivis ce qui portait le mot de passe « FERRARE ».

Vers la fin d’année, nous étions allés dans la petite maison du Chianti, et malgré l’ambiance légère ou la tendresse voyageuse, malgré les tentations du regard et du plaisir immobile,  j’avais posé ( absurdement, comme pour tout projet) le mot « FIN » sur le clavier de l’ordinateur, et  planté mon image dans la rue – libre..

Je n’avais pas fait cela depuis quarante ans ( combien de fois peut-on écrire cette phrase dans une vie?) : un long récit, 278 pages, Times 11, large marge : j’ai obtempéré aux consignes.

Que faire, me dis-je, pour un livre sinon que l’on s’y plonge? J’ai dressé une liste de vingt éditeurs, du très grand au minuscule -pourvu qu’on y trouve de quoi vraiment lire – puis  remis le livre, je raconterai plus tard.

Au terme de deux mois – l’attente minimale -commencerait ensuite ( grâce à l’aimable autorisation de ce vieux cabot d’Ydit), le jeu sur l’ « Avant » du projet, ce retro-calendrier. Le rythme assez rapide que j’avais prévu, et le rêve éveillé d’une continuité cohérente, exigeaient une écriture terminée à l’avance, attente posée sur le quai, prête à gravir le rien du silence.

D’autant que j’apporte un grand soin à la composition texte/images, même si la lecture sur d’autres supports ou logiciels altère les échos de sens ou les visuels attendus.

De plus, chacun le sait ( ou sinon l’a deviné !) je persévère dans une très naturelle paresse. Rédigés, se répondant et s’interloquant comme Laurel s’enhardit, les posts qui précèdent (et deux ou trois ensuite) ont été programmés, selon un calendrier très personnel, et pour tout dire, flemmard, gourmand, bricoleur. Ou contrarié par d’autres histoires?

De vieux complices, dits d’Ydit, naguère relégués (mais détruit-on jamais un personnage ?) ont surgi au cours de l’attente.

« C’est juste un mauvais passage, prenez le train en marche » godillait Germaine sur son kayak ferroviaire.

« On ne va pas se laisser bluffer- il a toujours été anglophile– par cette coquine de bestiole qui encombre le jardin et sa culture » m’admonestait V3, le vernis vigoureux et vitupérant, presque debout sur son fauteuil du Procope.

Vassiliki, la Russe rusée sensée sucer la sève pour les services (on ne saura jamais ce qu’elle espère des rapports sur moi), ré-ouvrit les écoutes, donnant le mot ( sinon le code) à La plus jeune, cette Marina refilée comme un virus malin par le sulfureux Richard Millet (*)

Bien sûr, le virus s’extirpant de l’Asie pour oser affronter notre Europe confortable (trahison!), je me suis posé la question : continuer?

Comme je me réponds toujours mal à moi-même ( et surtout s’il s’agit de continuer à se faire plaisir), j’ai consulté deux personnes dont l’éthique m’impressionne par son exigence véritable.

Vas-y, Didi, fais pas ton coupable !

Donc, je persévère.

A la fin de la programmation, assez de semaines auront passé pour que je sorte de l’attente sereine (car sans illusion) de réponses d’éditeurs. Superstition?

Non, imaginez que Netflix ait eu vent du projet, qu’un lecteur confiné lise le texte, et me propose une adaptation en quatre saisons de dix épisodes ? Mieux que « Le bureau des légendes »

Au terme de cette non-attente, le moment sera venu de présenter, ici, l’essentiel de « FERRARE » ( nom de code )

autrement nommé

« Le jardin de Giorgio Bassani ».

A suivre !

Mais, comment dire, à propos de « jardin » ( mon balcon en témoigne) ça se présente plutôt mal !


(*) C’est un peu comme dans Fantômas, je m’auto-cite ! Facile de retrouver les  plus de 110 épisodes de l’Ydit-blog, si on a du temps, mais avec modération!


Didier   Jouault    pour    Ydit-bis    Retro-calendrier de l’Avant    7 / éclairage du jour d’avant.

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