Ydit-suit : Le jardin de Giorgio Bassani, épisode 97/99. La fin du récit, en attendant la fin, encore un peu. EPILOGUE/1 bis : Silvia de loin (2).

5 nov 2020 Elle : Ciao Didi, scusi per il ritardo. Ero in Corsica con degli amici(…)Qui, via Belfiore sembra avvolta da un velo di magico silenzio(…)oggi arivano due clientide turisti di Roma ma saranno gli ultimi. Ho capito che in questa fase no è definitamente possibile andare avanti con il turisme e a malincuore ho deciso di affitarli per lungo periodo(…) Sara une nuova avventura aver inquilini fissi!Io sno felice per ho sono persone davverobelle e avro anche piu tempo per pensare al mio futuro e nuovi progetti(…)Ti abbarccio con immenso affetto, la ragaza di Ferrara.

Puis, plus rien qui vaille.

Et :

1 er mars 2021 Lui : Tout ce temps ? Bientôt un an de ce virus qui dégrade tellement les libertés et les désirs ( mais c’est ainsi !). Mon espoir est que tu aies pu, malgré les détours de la vie et l’extinction probable ( provisoire ? Je le souhaite ! ) du jardin rose, trouver un chemin qui te plait, et peut-être ailleurs que dans cette vieille garce tant aimée : Ferrare ? Je l’espère et t’embrasse fort, fidèlement.

Ensuite, une lettre manuscrite, vieux style, expédiée à Silvia

par la poste,

 » faire suivre si besoin ».

5 juillet 2021. Elle :

Ciao Didi. Duo anni fa de tu passaggio. Non so como scusarmi per l’attesa nel responderti. Mi spiace molto che tu ti sia preoccupato per me.

Ti racconteo como sto.

Ogni giorno apro la cassetta delle lettere per vedere cosa trovo dentro…sempre bollette di pagamento per le case o pubblicità, niente mai di bello.

Ma pochi giorni fa qualcosa di speciale è successo, cosi ho scritto un pensiero che voglio condividere con te.

Chuidere il Bnb è stat uns scelta obbligatoria e difficile. Il cambiamento non è mai facile, sopratutto se imposto da eventi esterni. Pero è nelle mie corde perché rappresenta nuovi stimoli, nuove sfide da affrontare e regala nuove prospettive.

La cosa che mi manca di più dono lori I clienti. Persone sconosciute, ognuna con la sua storia, il suo percorso, le proprie necessità. Era bellissimo provare ad indovinare i loro desideri, organizzare la casa in base ai loro gusti, prevedere le loro esigenze.

Mi manca tutto questo, mi mancano quei momenti in cui ci si trovava in cortile a chiacchiere, gli abbracci prima della parteneza, i messaggi di affetto e le meraviglose recensioni erano per me una gioia immensa.

Oggi nella buchetta delle lettere, ho trovato una meravigliosa sorpresa. Un mio cliente parigino , che ho ospitato nelle julio e agosto 2019, non vedendo più il mio annuncio su Airbnb mi ha inviato una lettera per sapere como sto e raccontarmi che ha finalmente finito il suo progetto, un raconto del suo viaggio, che parte da Via belfiore e  » la mistériose ragazza di Ferrara » che gli ha regalato sorrisi inaspettati.

Ecco…in sintesi, sappi che con un semplice ma prezioso gesto, sei riuscito a farmi sentire davvero speciale e questo non lo scordero mai !

E ora che ho molto tempo libero, ho deciso di fare qualcosa di importante per gli altri. Ho accettato un lavoro a scuola.
Quando ero piccola, ho preso l’abilitazione per l’insegnamento e cosi ora puoi pensare alla ragazza del cortile rosa che si sveglia ogni mattina ed entra in una classe con 24 bambini e aiuta gli allievi con difficoltà (seguo una bimba di 6 anni con la sindrome di Down) è un lavoro delicato, difficile m davvero meraviglioso e sto cercando di fare del mio meglio ogni giorno per aiutali a crescere e scoprire il mondo.

Et tu come va ? Spero di cuore che nonostante la situazione, sia tutto a posto dalle tue parti.

Un abbracio grande grande, grazie ancora di cuore e scusami ancora se ti ho fatto preoccupare.
Con affeto

SILVIA

Ultima cosa. Gli appartamenti sono ora tutti occupati da delle ragazze molto gentili e simpatiche, mi manca tutto del lavoro precedente, ma, visto il periodo, direi che è stata la sluzione migliore che potessi prendere !

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Didier Jouault pour : Ydit-suit : Le jardin de Giorgio Bassani, épisode 97/99. La fin du récit, en attendant la fin, encore un peu. EPILOGUE/1 bis : Silvia de loin (2). A suivre. Encore deux…C’est peu, non ?

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Ydit-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 96/99. Après la fin du récit, EPILOGUE/1 : Silvia de loin, première partie.

L’usage n’est plus ( ou presque plus) de griffer quelques phrases élogieuses sur un « livre d’or ». Le site Airbnb invite aux « commentaires » entre loueur et visiteur. Depuis le premier passage dans le « Jardin rose » au pied de la Silvia’s Terrace, jusqu’à ces jours même de retrait et d’absences, les commentaires entre nous deux sont devenus de très épisodiques échanges, parfois par le biais du site, parfois par mel direct. De longs moments de silence, un bouquet de mots, puis de nouveau le silence. Comme une marée, un peu? A deux reprises, j’ai demandé à Silvia son histoire, des nouvelles. Il ne me paraissait pas décent d’achever cette « saison » de YDIT-BLOG – les Italies du Nord puis les jardins de Ferrare- ( et qui pourrait affirmer qu’une autre saison viendra ?) -sans que l’émouvante hôtesse y puisse tenir sa place, sinon sa langue.

En deux parties, versants d’épilogue, voici quelques fragments de l’AFTER FERRARA. Des coupures, et l’orthographe originale des fautes de frappe- à ceci près que certains accents sur voyelles n’existent pas sur mon clavier pour transcrire précisément l’Italien. Rappel : le second séjour à FERRARE se situe fin août.

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30 aout 2019 Lui : Silvia, ton « commentaire » sur Airbnb est trop gentil, je suis confus. Pour moi aussi, ta présence très discrète mais quasi amicale, vraiment précieuse, a fait une belle partie de mon plaisir de FERRARA. Sans évoquer le soir du Vieux Ghetto. Je vais continuer à m’intéresser à la ville, au jardin rose, à toi.

3 sept 2019 Elle : Il mio commento è nato del cuore. Sei stato davvero n cliente fantastico, rispettoso et simpatico. La lingua no chi ha aiutato ma spero davvero di no perditi(…)

5 sept 2019 Lui : Tu as raison, ne nous perdons pas. Tu as vu, parfois, que je me mettais « au travail » sur la petite table du jardin. C’est une sorte de blog, une série de petites histoires sur l’oubli, avec mélange d’images et de textes, j’en ai publié 120 ou 130. Mais Ferrare, Bassani, les rues, toi, les nuits, les shorts à vélo : je vais , je crois, pour tout cela, interrompre mon projet et tenter d’écrire, pour ce blog, un récit-feuilleton autour des mystères de FERRARE, mystérieuse et si visible. Il y aura des ruelles, tes chats, un dîner au Burger, des ducs des guides et des juifs. ET toi qui passe sans rien dire devant des églises fermées. Je reviendrai.

17 sept 2019 Elle : Ciao Didier, scrivio in italiano, sara piu semplice(….)Sarebbe belissimo sapere del tuo blog e poter leggere le tue emozioni in questa città come sarei curiosa di saper questa donna con i suoi gatti ti ha ispirato !(…)E stato davvero un piacere incroaciti nella mia storia(…)Abbracio a te.

22 sept 2019 Lui : A Paris, le retour, le rythme, tout est rapide, tout s’éloigne. Mais le projet de blog est devenu ( en train de devenir) un roman, que je vais écrire d’ici la fin d’année. S’il y a une dame, cela ne sera pas toi, et ce sera un peu SILVIA- dont je ne connais que les brins d’histoire que tu laisses dans ton  » livre de présentation » du Bnb : vies ailleurs, retour inattendu à FERRARE. Mais on aimerait en savoir plus! Tu veux bien?

11 oct 2019 Elle : Qui a Ferrara si lavora tanto in questo periodo, ma a breve avro tempo per scriverti con calma e raccontarti qualcosa del mio passato. Oggi piove, mi mettero a preparare un po ‘di biscotti e dolci’, in compagnia del gatti. Un abbraccio sincero(…)

30 novembre 2019 Lui : Alors, toujours des touristes affamés qui supplient l’un de ces fameux gâteaux-maison ? Je ne sais même pas quelle est ton activité- à part tout préparer pour les visiteurs ensuite embrassés. Je veux revenir à Ferrara, et à Vérona que je ne connais toujours pas ! Mais les obligations sont nombreuses, et je m’en suis inventé une autre, la plus lourde : je continue à écrire ce « Roman de Bassani »-et du coup je pense à toi. Je t’embrasse fort.

31 décembre 2019 Lui : Une semaine dans une maison louée en Toscane, dans le Chianti, avec ma famille, ravive des soleils de FERRARA. Je suis en train ( parfois la nuit) de revoir les toutes dernières pages de « Le jardin de Giorgio Bassani ». A toi, vraies bises et forts vœux pour cette 2020 que je t’espère belle, avec des nouvelles provenues du jardin rose, et des rencontres.

11 mars 2020 Elle : Buongiorno Didi, prometto che prima o poi ti mandero il racconto di questa donna e della sua vita. Nel frattempo augurodi cure a te(…)Sarebbe bellissimo poterti abbraccare in futuro. Un abbraccio e grazie ancore delle tue parole, Silvia.

21 mars 2020 Lui : Silvia lointaine. J’espère que tu vas aussi bien que possible malgré les très mauvaises nouvelles provenues de chez toi, ton Italie malmenée ? Et que tes proches sont préservés? Donne de tes nouvelles, je suis inquiet. Ici comme en Italie, tout est en train de se fermer, se replier, s’oublier sur une sorte de silence à la fois libérateur et oppressant. Voyage pour FERRARE et SILVIA ? Ce ne sera pas demain ! Dans la tourmente ( mais nous sommes très privilégiés dans notre grand appartement avec balcons et soleil ), je saisis le vide de la parenthèse pour l’emplir avec mon travail nouveau : je reprends mon roman ( jusqu’à ce jour, les éditeurs l’ont refusé), d’ailleurs à présent tout va devenir différent. Je mes suis lancé dans une « Saison » qui va s’étaler sur 80 ou 90 épisodes ( le roman  » Le Jardin de Giorgio Bassani » ce sont 33 chapitres et plus de 270 pages : déraisonnable !)(…)

28 mai 2020 Elle : Ciao Didi, scusami se ti scrivo in italiano e cosi in ritardo ma son momenti molto difficili, penso alla tua richiesta et ti prometto che scrivero di me…Qui il silenzio è quello che hai conosciuto ma tutto attorno è molto triste. Al momento ho perso il lavoro, la primavera che doveva essere piena di nuovi ospiti è finita e io sono molto in difficolta visto che questa era la mia vita, il mio lavoro, le mie emozioni. Posso solo pragare che voi stiate, proteggetevi. (…)Un abbraccio soncero. SILVIA

2 juin 2020 Elle : Je suis née à Ferrare il y a quarante-cinq ans, quelques jours avant Noël. Je ne me plaisais pas à l’école parce que je devais y passer trop de temps. Depuis que j’ai 16 ans, j’ai toujours travaillé, parce que j’aimais pouvoir être indépendante. A 21 ans, j’ai obtenu mon diplôme. Mon père était orphelin de mère et il a vécu pas mal d’années dans la grande maison de la Tante Iride, via Belfiori, où tu as dormi. A sa mort, elle a décidé d’acheter cette maison et de la diviser en quatre appartements. Ma Tante Iride était une femme très forte et vivait seule. Elle avait de nombreuses chambres vacantes. Dans les années 50, elle a loué des chambres à des professeurs de l’université, ou à des étudiantes. Pour que sa maison vide soit toujours pleine de monde. Quand j’étais petite, mon père m’a dit que- plus tard- à mon tour , je deviendrais telle Tante Iride, qui était seule et qui accueillait pour gagner de l’argent les gens qui avaient besoin d’un endroit pour dormir. Tu vois qu’il avait raison.

Ferrare est une belle ville- heureusement plus que d’autres épargnée par le touristes, enfin certains quartiers et pas pendant le festival de musique de rues ! Mais je l’ai quittée sans regrets puis j’ai travaillé dans plusieurs importantes entreprises à Bologne et à Milan.

En 2012, je me suis lassée d’aller au bureau, j’étais fatiguée, impatiente. Je suis alors partie avec l’un de mes amis, et je l’ai aidé à ouvrir un restaurant à Bruxelles. Mais cela a été compliqué, plutôt difficile. Aussi en 2013, je suis revenue à Bologne et j’ai commencé à travailler comme « Chef » dans une auberge du centre-ville.
Tout allait bien, j’étais heureuse, j’avais un petit ami , je venais de trouver mon chat gris ( que tu connais) . Au cours de l’été je suis devenue enceinte, mais j’ai perdu le bébé.

Quelques semaines plus tard, mon père est tombé malade. J’ai tout quitté et pendant trois mois je suis restée à ses côtés à l’hôpital. Il est décédé le 1er novembre 2014. Pour moi, ça a été une période vraiment très très difficile.

Peu de temps après, ma chatte grise a eu six chatons, je n’ai gardé que le roux ( que tu aimais bien), et donné les autres à des amis de Bologne.
Je n’avais pas du tout voulu revenir vivre à Ferrare. Mais maintenant ma mère était seule et je devais aussi m’occuper de la maison de la Via Belfiori, que mon père m’avait laissée. J’ai donc décidé de rentrer chez moi à Ferrare, de quitter Bologne et de mettre les choses d’ici en ordre. Ma mère a 83 ans , elle est forte et conduit toujours la voiture, mais elle vit seule, elle a besoin de beaucoup de compagnie, ce qui fait que je traverse souvent la ville à pied pour la voir. On a cru un moment qu’elle avait peut-être des symptômes d’Alzheimer, mais non. Juste c’est une vieille dame et qui oublie.

Cela ne m’a pas du tout été facile de retourner dans cette ville, tu comprends bien pourquoi, même si tu es tombé comme amoureux d’elle. J’ai pensé que si je ne pouvais plus voyager comme je l’ai beaucoup fait, je pouvais au moins ouvrir un BnB pour continuer à voir des gens qui venaient du monde entier ou presque.

Accueillir, c’est prendre soin des gens, des lieux, des choses. Changer laver le linge, Nettoyage, fuite, réparation, peinture, réparation, gâteaux , courses, réparation…Dans les jours tranquilles, la meilleure chose à faire est de profiter de votre temps libre pour quelques corvées en attendant les prochains clients, et de lire, beaucoup lire. C’est un effort, mais très agréable. Faire ces choses avec amour, voici ma recette secrète de « chef » de mon Bnb, afin que chaque invité se sente comme chez lui un jour de fête. J’ai toujours aimé rendre les gens heureux, leur faire leur plaisir. Parfois, je m’en néglige un peu, mais j’aime m’entourer de sourires contents.
J’aime cuisiner, construire, meubler avec des objets « chinés », modifier le décor, recomposer un peu l’intérieur. Donc ici, Via Belfiore, j’ai crée mon propre petit univers dans lequel j’accueille pour le plaisir les clients venus de loin( ou pas si loin, comme toi) et j’écoute les histoires de vies lointaines »

15 juin 2020 Lui : Silvia, comme vous, en France nous retrouvons enfin la jouissance de l’espace ( un peu) et le pouvoir de choisir ( un peu), mais toujours impossible d’aller à FERRARE voir la ville et sa Silvia, deux perpétuelles inconnues. Maintenant, je vais commencer la partie de mon « blog » qui se passe à FERRARE (enfin arrivant à FERRARE par Modène et Mantoue, qui sont en rapport avec la famille d’Este, Bassani, la communauté juive). Puisque toi et ton jardin allez tenir une place importante, je voudrais que tu m’envoies des photos de toi, qui seront de moments joyeux ou attendris de mon blog, des photos dans la ville, dans le jardin, chez toi, spontanées ou posées. Tu veux bien ?

Si oui : champagne !(…)

17 juin 2020 Elle : Ciao Didi, il tuo mesaggio mi ha comosso, bello saper che sei li e mi pensi…Anche io ho bevotu un calice di champagne pensando a te, felice che tutto stia passando(…)He avuto momenti difficili e tanti pensieri. Sei nel mio cuore, il tuo soggiorno non lo dimentichero mai e mi spiace solo que non ci siamo parlati come avremmo voluto. Ti ho scritto une mail raccontando di me(…)Mi piace saper che parlerai di me nel tuo blog. Mi fa sentire viva. Ci, ritroveremo, ne sono certa. Ti abbaccio. Silvia di Ferrara.

5 juillet 2020 Lui : D’abord, chère Silvia, je suis très content que tu aies pu échapper à ce virus, et je suis aussi très triste des moments si difficiles que tu as dû vivre, c’est vrai que le jardin rose ( de tes appartements je n’ai connu que celui-là) t’occupait beaucoup mais donnait aussi la joie de belles rencontres ( comme la nôtre!). Je voudrais te dire que je te suis très reconnaissant de ta fidélité lointaine pour le « vieux Français  » que je suis, et aussi de cette série de photos, qui disent beaucoup de toi, de différentes façons, merci, merci. J’ai compris : le jardin rose, à Ferrare ne sera plus qu’un souvenir, mais bien entendu avoir trouvé des locataires « à l’année » au lieu de touristes Bnb pour tes lieux permet au moins d’éviter le désastre économique. J’aimerai ( j’espère que Google Trad fait la différence entre futur et conditionnel français…) j’aimerai cependant revenir à FERRARE, pour la ville et pour te voir. Je me dis que la ville, fatiguée, doit être jolie en cette saison sans presque personne ?(…)

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Didier Jouault pour : Ydit-suit Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 96/99. Après la fin du récit, EPILOGUE/1 : Silvia de loin, première partie. A suivre, ça sent la fin.

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YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 95/99, Chapitre 33- FIN du RECIT. Mais il n’aime pas l’exhibition des ruelles.


Rêve d’Alice

Dort-il encore ? Est-il pour de vrai dans l’hôtel de Bologne, cette inutile étape, ou bien rêvant une nuit de FERRARA dans le matin de l’avion ?( il a mal dormi, la carlingue l’assoupit). Ou bien, encore, plus vraisemblable, c’est l’un de ces rêves que le guide NERO prétendait avoir découverts dans le journal intime secret de Bassani ? Rêves de roue sans vélo, ou scène de selle vidée de son Amazone ?

Est-ce l’ironie active du Vieux ghetto, l’ivresse tardive au retour d’un dîner pourtant maîtrisé ?


Voici que le rêve au matin s’impose –mais c’est un surgissement de plaisir– voici l’étonnante Alice, l’absente parfaite. L’essence de l’illusion d’exister. D’elle, le dormeur-s’il dort encore ou même s’il se maintient dans le flottement délicat de l’avant-lever, en tout cas si on l’interrogeait pour un procès il répondrait qu’il dormait- d’Alice le dormeur ne sait rien, d’Alice dans les villes, sinon sa silhouette à la Delvaux, étrange et solitaire au milieu de ruines, celles de Ferrare en 44 ?

Elle parcourt le silence au milieu d’autres passantes, elles aussi très droites dans leur nudité pâle, de formes sombres soutachées aux aisselles et au sexe –chacune ses points.

Alice, dans les villes ou les songes, vient aimablement le visiter, lui le visiteur, dans ce fragment de temps, mi nuit-mi éveil, comme on dit un gâteau mi-cuit, cette encore nuit déjà veille du pays des merveilles, surprenante ( ici, hôtel ou avion ou journal intime détourné?) figuration de l’éclair dans la nuit, l’éclair sauvage que sont les peintures de femmes et de nuits et de routes, et de murs, Delvaux. Qui regarde encore Delvaux?
Alice ne ressemble pas à Silvia, ni à personne qu’on oserait connaître.
C’est Alice, l’absente parfaite, la fée profane, la fille diaphane et dont il est impossible d’écrire autre chose que le silence trop discret de ses apparitions.

Alice propose- par ses gestes sûrs d’eux-mêmes dans l’indécis du rêve – un spectacle qui induit l’émotion : l’agile Alice, malicieusement fragile, paraît ainsi marcher au cœur des rues du vieux ghetto, à FERRARE, à VENISE à PADOUE, ailleurs, en chaque espace du monde où un ghetto fut pensé, Alice rapide, et pourtant longtemps ici, via Saraceno, via della Scienze, via Carbone, jouissant de sa présence fantomatique et charnelle, all’arabiata, tenant à sa main une tablette qui est la table du moi.

Dans la nuit le dormeur s’essuie les mains moites sur le drap de lin blanc et de probité candide. Ils marchent ensemble, dans FERRARE, VENISE, PADOUE, c’est-à-dire qu’elle le précède, lui parle depuis le cœur du sourire, dessine sur la topographie obscure des ruelles une géométrie lumineuse, que le semi-rêveur croit pouvoir encore décrire, mais qui n’aura plus de forme dicible, au réveil, quand il faudra cesser de différer la regrettable évidence de l’aube, cesser la vieille veille. Abandonner les grimaces d’acteur malhabile.

Sur la place où, selon NERO, la chapelle ancienne contient les restes de Hugues de Payn, la place des diseurs de bonne aventure lors du festival de musiques de rue, Alice fait un tour, comme d’un matador vainqueur acceptant les hommages de la foule satisfaite, ses coussins, ses drapeaux, ses fleurs, ses Louis d’or et ses ducats d’argent. Courant sa grâce et bavardant sa légèreté, Alice s’approche enfin du rêveur, qui dort debout, au centre de l’arène, sur la sable roux qu’ont fabriqué dans le matin, entre deux jambes de short, les rencontres du soleil et des brumes de La Mura. La finesse (la fragilité ?) d’Alice donne à chacun de ses gestes la valeur de l’immanquable.


Près du rêveur maintenant ployé sur ses genoux, non comme pour prier mais pour ramasser de l’or vivant, Alice apporte le cadeau de son incroyable douceur, chaque geste, chaque parole, chaque regard, chaque peau est la douceur, Alice donne la clé des songes, ou la clé des mystères, par cette façon heureusement impossible à décrire, là sous les yeux hagards et ravis, de faire le pont, faire la roue, comme une immatérielle gymnaste, faire pour ses yeux impossible à bouger, faire sa roue, de bohémienne libre, et je tourne et je tourne, pied, main, pied, main, et le corps est un pont entre les temps, la roue, Alice à peine séparée du dormeur par les mailles invisible d’un collant très transparent, comme absent bien que tissé, comme tissé des impensés, vrai et léger comme un fantasme, et dans le collant collé de sueurs et d’humeurs, la couleur blond absolu d’Alice exhausse encore davantage, paradoxalement, triple salto arrière, roue et pont, virevoltes, vitesse, douceur, Alice expose les intimités ovales et moussues de son sexe soudain enfin vraiment nu, bien que disparu dans chaque mouvement, vraiment rêve, songe pur, insaisi du regard.

Disparu déjà dans même avoir eu le temps d’être ici lu ou vu ?

Plus tard, jour et lui-même levés, face au miroir pour le rasage, le narrateur ( et peut-être aussi les immortels vieillards regardeurs du temps ?) le narrateur impassible ( et impossible)

regrettera tout de même qu’Alice fût si impudique. Il n’aime pas l’exhibition des ruelles dans les cités. Au moins aurait-elle pu garder un string de dentelle noire. Celui abandonné sur un banc, à droite, près d’une culotte blanche, quand on pénètre dans le jardin de la maison de Giorgio Bassani ?

 » Le jardin de GIORGIO BASSANI »,

combien de fois aurais-je écrit ces cinq mots,  » LE JARDIN de GIORGIO BASSANI » ,depuis le titre, et jusqu’à la dernière ligne de chacun des trente-trois chapitres, dont celui-ci, dernier du roman ?

On le voit, toujours, tracer le mot FIN est difficile. Encore une minute, Monsieur le bureau !

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Didier Jouault pour : YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 95/99, Chapitre 33- FIN du RECIT. Mais il n’aime pas l’exhibition des ruelles. A suivre, pour conclure : EPILOGUES et GLOSSAIRE…

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Ydit-Suit . Le jardin de Giorgio Bassani, Episode 94/99, Chapitre 32 -Fin. « Une ville intensément vouée au régime ».

Dans le jardin rose, on a fini avec « Une plaque commémorative via Mazzini« .

Les deux se taisent, Silva et NERO, plus tout à fait certains, à présent, surtout que la lumière disparaît, d’avoir eu raison de laisser la plaque de la rue Mazzini frémir dans leur jardin rose, et même un chat n’a plus traversé la table depuis longtemps. Le premier, NERO bouge. Il sort de sa poche poitrine un calepin. « J’avais noté ça pour ton vieux Français, il m’avait suggéré de l’aider ».
NERO lit : « La Ferrare(…) était une ville intensément vouée au régime, au point que les quelques personnes qui n’étaient pas fascistes vivaient en marge(…)les mêmes juifs ferrarais , qui finiraient ensuite en si grand nombre dans les chambres à gaz nazies, avaient été en grande partie fascistes(…)La vraie tragédie des Juifs ferrarais (….)c’est peut-être d’avoir été des bourgeois, d’entrée engagés dans le fascisme puis, sans savoir au fond pourquoi, se retrouvant dans le néant des camps d’extermination nazis (…)(et ma famille était) une famille privilégiée, fasciste comme tant d’autres, comme presque toutes les familles juives ou catholiques de la bourgeoisie locale ».
NERO : « C’est, c’est le « fragment 14 » dans le Quarto Gallimard de 2011, édition 2006, p. 743, et une note liminaire précise que ces textes de Bassani, tous inédits en Français, traduits par Vincent Raynaud pour cette édition « En réponse », ont été réunis pour la première fois sous le titre commun « In risposta », dans l’édition définitive de ses essais, « Di la dal cuore » chez Mondalori, 1984. Tu vois si j’ai encore des réflexes de classe.« 
Silvia, feuilletant le volume tendu par NERO : « Et tiens, rien après 1988 ? »
NERO : « De toute façon, Bassani est mort en 2000, le 13 avril 2000 …

…( et moi, le romancier compensé en blogueur, j’espérais que le 13 avril 2021 aurait été le dernier jour du dernier post du dernier chapitre de ceci, mais Silvia, Néro et Covid se sont arrangés pour m’alanguir la main sur le clavier)

« …et son Alzheimer le versait dans l’absence de la mémoire depuis très longtemps, dix ans, tu sais bien comment il a fini, il était incapable de se souvenir, et encore moins de répondre, depuis une dizaine d’années. Sa dernière petite copine – après de nombreuses autres- a fait ce qu’elle a pu, la famille s’en est mêlée, bagarre de la mémoire effacée volontairement par la disparition d’archives, petits agacements et vraie compétition pour la conservation sinon du Vieux, au moins de ses traces, honneur (?) à sauver, ou profits (?) a prévoir, on ne sait. Sauf que moi, le journal secret, je l’ai récupéré… Alzheimer. C’est la maladie de la mort avant la mort… Avant que je rentre chez moi, Silvia, le vieux Français, de sa recherche de la maison, de la visite, de son entreprise de louer, finalement il t’en a dit deux mots? De son goût morbide pour les secrets, les poses? »


Silvia -« M’en parle surtout pas, je ne veux plus entendre quoi que ce soit sur toute cette absurdité de magnolia dans la cour, la FIAT de Bassani, ras le bol des recherches inutiles et sans retour, ses visites de musées vides, ses photos de short et encore de shorts, et toute cette hallucination, qu’est-ce qu’il a pu m’emmerder avec ses courts de tennis, le vieux Français, et ses bancs de jardin avec de strings noirs dans la maison de Giorgio Bassani. »

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Didier Jouault pour : Ydit-Suit.Le jardin de Giorgio Bassani, Episode 94/99, Chapitre 32 -Fin. « Une ville intensément vouée au régime ». A suivre…

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