YDIT-BLOG, nouvelle saison, saison 4, Episode TREIZE : Die Pate et Hanged James, comment l’actualité du monde bouleverse les sédiments profonds de l’intime.

INCIPIT : On aurait pu commencer ainsi :  » Mais vas-y donc, à ta kermesse. » (  » Clèves », Marie Darrieussecq, P.O.L. 2011)
Mais on a choisi ça :

 » A sept heures chaque matin, à deux heures l’après-midi, à six le soir, avec la ponctualité d’un train en Suisse, elle me téléphonait du hall de l’hôtel.  » ( René DEPESTRE, « Eros dans un train chinois« , Gallimard, 1990.)

Note de Madame Frédérique :

Le fragment ci-dessous, probablement, va sembler un peu répétitif. Mon ex-patron chassait La Répétition dans ses discours, les courriers qu’on soumettait à sa signature. Il m’arrivait, quand il était vraiment fatigué, de lui signaler une répétition qui allait échapper. A présent qu’il a disparu, je dois me contenter- à regret -de publier les fragments que m’adressa Y.d’I , dit YDIT, ce fatras de «  Lettre de A., version B. », sans me permettre aucune intervention. Hélas.

Texte de YDIT :  Lettre de A. , Version B.

Reviennent à présent  deux  personnages qu’on a déjà traversés, larges comme des autoroutes, mais comme elles interminables, ni FRED, ni Y.d’I,  les personnages :  Hanged James et Marcel Malbée, dit M. M., dit Le Parrain, Die Pate. Deux personnages tellement dissemblables et cependant si proches, parce qu’ils frétillent  chacun à sa façon, l’un par sa main dénoueuse de cordelettes, l’autre par sa corde au bout de laquelle il pend. Tous DEUX tortuent dans le même univers, et cet univers fut longtemps complètement secret. Bien sûr. Secret. Une histoire de cordes ? Cordes à son arc- celui du très jeune corps en appui Epaules/talons, arc d’os et de muscles souples, épaules/talons, geste rapide, se tenir sur les mains quand passe le bas de pyjama, et l’autre, pendu corde à son arbre, celle de James tendu par les  vrilles de la fin ?

Mais depuis quelques années, dans un bouleversement grave d’enchaînements imprévisibles (principe de l’avalanche),  Le Secret a commencé à fuir les placards à ballets de  fantômes jusque-là peuplés par un petit nombre  de personnages influents et célèbres, masqués de silence complice. En peu de temps, le Secret a donné de la voix, une vérité à des voix. Envahissant écrans et librairies, ondes et claviers,

Le Secret s’est mué en accusations, déclarations, confessions sans concession.

Hugo je crois, décrivit bien cela : comment le Secret court et de disperse sans se dissiper. D’autres qu’YDIT ont dit leur « Mon Secret ». Jusque-là, Ydit l’avait oublié, Le Secret. Mémoire d’infra-tombe. Simplement un pur OUBLI. Jamais imaginé qu’elles et ils fussent- tout compte fait- en si grand nombre à vivre dans leur propre sale secret à eux. Plutôt, il était parvenu à  retirer Le Secret à lui des tiroirs où piaffent les souvenirs. Parmi les autres, vivaces et prolifiques, rieurs et colorés, on parvenait à contenir le souvenir de Le Secret à Ydit, à le contraindre à l’inaction, sans trop d’effort.  A le garder en-dessous de la pile, en deçà de l’appel. Sous le coude, la corde à Secret.

Mais soudain tant d’autres ont ouvert leurs mémoires. On n’ose dire qu’ils abuisent. Ont saturé l’oreille de récits sur Le Secret. Impossible, dès lors, ensuite, de tenter retirer quoi que ce soit à leur puissance désormais dévastatrice, car envahissante. Impossible  d’empêcher la  remontée de « Le Secret », le mien, raconte Ydit, comme celle d’un mascaret qui franchit les barrages contre le maléfique. Montant, la marée -paradoxe- découvre les filets crus enfouis. On s’y prend, on se rend.

L’impudeur publique, compréhensible, a provoqué une espèce de libération : après tout, voici que s’est formé comme un féroce « entre-soi » des connaisseuses (surtout) et des connaisseurs de « Le secret » : une tribu invisible et familière à chacun, où l’on se retrouve sans même se connaître… Celui-là de « Le Secret ». Celui-là même qui fut initié par Marcel Malbée, dit M M, Le Parrain, Die Pate, avec de longues cigarettes allemandes ( ou hollandaises ?), un verre de Sylvaner, le modèle réduit en porte lampe du  David de Donatello, une salle de bains avec douche et eau chaude. Douche et eau chaude, le luxe, chez Marcel Malbée. Un crochet ou accrocher le pyjama. On enlève toujours le pyjama si on est un gentil garçon, filleul. Donc, c’est mieux d’avoir un crochet. Pour bien ranger ses petites affaires. C’est pratique. Pour le retrouver au matin. Chaud. Le pyjama. C’est plus propre, et il faut être TRES propre avec son Parrain. Propre. Gamin poli comme il faut avec son Parrain. « Tu seras sage avec Parrain? « . Oui, sage, comme un repassage d’image, naufrage en nage, vidage sans age,outrage sans rage…

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Pendant très longtemps il y eut deux personnages complètement absents du paysage affectif ou mental. Ces deux-là ne demandaient aucunement à sortir. Nous habitions des mondes parallèles.  Ils avaient été enterrés comme les déchets nuclaires. Le mieux est de ni toucher ni penser à. On les avait réduits au silence, non pas d’un coup de botte, mais d’un coup de cette arme la plus efficace de toutes : le déni. Le Secret, ça avait été oublié depuis longtemps, sincèrement oublié, ou en tout cas enfoui au fond d’une fouille, secret abri du secret. Au fond d’une trouille, oui, pourrait dire BOB. Ou MORANE. Les Détectives sans arcanes.

Et maintenant, avec tout ce bruit dans le monde autour de Le Secret, peut-être aussi parce que Septante et plus sont venus, le souvenir à son tour est là, il revient, même vague et certainement trouble, il surgit, apporté par l’actualité comme un chien sa balle. Tu jettes, il rapporte, stupide et content. Tu lmas vu, mon Le Secret? Et mon Le Secret, tu l’aimes, mon Le Secret ? Sans mépris? Avec son lot de bave  et de joie (celle du chien qui a trouvé Le Secret dans le terrier de la mémoire). Puisque tout le monde parle de Le Secret, le déni de si longtemps se muerait aujourd’hui en une sorte de mensonge par omission.

On ne va pas se mettre à mentir l’intime, à septante et davantage.

Alors, TOUT revient, à cause des autres, même pas capables de continuer à blottir leur silence dans un creux de la vie. Ils /Elles parlent, s’accusent, avouent : YDIT, hagard, entend Le Secret soudain se mettant aussi à parler partout, son Secret cru effacé, à étaler son ruban de glu pour attraper les souvenirs de tous : radios, tables rondes, numéros spéciaux grand tirage, et même une commission interministérielle présidée par un juge : « Donc, à vous, très chère victime, ça vous faisait comment ce qu’on vous faisait, et c’était comment au fait, ce qu’on vous faisait, dites nous tout ? « 

Reste le parler vrai. Sauf que la mémoire et le récit, toujours, depuis que les mots existent et s’organisent en langage, en bande sauvage,  récit ou mémoire sont les ardents complices d’une

lente destruction intérieure.

__________________________________________________________________________________________________________Didier Jouault pour : YDIT-BLOG, nouvelle saison, saison 4, Episode TREIZE : Die Pate et Hanged James, comment l’actualité du monde bouleverse les sédiments profonds de l’intime. On peut suivre chaque semaine, en général. Rendez-vous mercredi 6 décembre, peu avant la fin du jour ( déjà bientôt le solstice ?) quand les frayeurs apparaissent. Mais pas d’inquiétude : ce sera un épisode calme.

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YDIT-BLOG, nouvelle saison, saison 4, Episode DOUZE : Fred est une femme

INCIPIT : INCIPIT : On aurait pu commencer ainsi :  » Si le premier devoir de l’éducation religieuse consiste à éviter l’enfer à son prochain, le premier devoir de l’éducation lubrique consiste à l’y précipiter  » ( Lydie SALVAYRE,  » Petit traité d’éducation lubrique  » « Points », 2016).
Mais on a préféré ça :

 » Et les quais ne cessaient de s’emplir, se vider, et les gens affluaient, repartaient, régis par des mécanismes complexes en rapport, peut-être, avec les flux migratoires, ou les grandes marées, gagnant chacun une destination de hasard ou longtemps méditée sans bien savoir pourtant, malgré les préparatifs, les bagages emportés, les rendez-vous accumulés, sans bien savoir ce qui les attendait.« (Cécile WAJSBROT,  » Mémorial « , Le bruit du temps, 2019 )

Note de Madame Frédérique :

En épluchant cette accumulation de textes et images, la «  Lettre de A. », Version B. , expédiée par mon ex-directeur, Y.d’I., je me suis aperçue que mon prénom, Frédérique, au moins son abréviation « FRED », apparait à de nombreux endroits (vous le verrez). J’ai même pu observer qu’une série d’images- déclinaisons d’un maigre nombre de poses- était supposée me représenter en divers lieux du récit. On dévoilera cela peu à peu, je ne suis pas pressée. Leur nature- halo d’érotisme et teintes de tendresse- m’a surprise (c’est le mot le plus neutre). Y.d’I a fait de moi non seulement un personnage (porteur d’une longue histoire) mais une espèce de commentatrice, comme il en avait installés dans les Séquences Publiques d’Oubli ( VOLTAIRE, GERMAINE) ou son «  Jardin de Giorgio Bassani » : CECILE, MARKO, SERGUEÏ. Procédé littéraire un peu éculé selon moi…Ainsi, à mon tour, à présent, je joue le rôle de comparse. Mais ne suis en réalité qu’une paisible ex-assistante. Pas très satisfaite de certaines images- détournées, moi, en exhibée. Mais c’est trop tard : Ydit a sifflé son départ du récit. Tout est programmé : nul arrêt posible.

TEXTE de YDIT : » LETTRE de A, version B « 

Présentation de FRED (pas besoin de présentation pour YDIT : on est supposé se souvenir du « narrateur intempestif », plus de 300 posts en cinq ou six ans, et tous récupérables ici. Ou irrécupérables?).

Si j’en parle en disant Fred, et la liant à l’adjectif comme une déesse grecque à ses attributs, n’essayez pas de compliquer les quatre lettres, ou de jouer avec les questions si actuelles du genre, profitant de l’équivoque de l’abréviation. Fred ce pourrait en effet designer un garçon ou une fille. Fred pour moi, Yd’I dit Ydit le Didi,  est sans la moindre discussion du genre féminin, et aussi du sexe féminin,- dans un récit où le mot sexe peut apparaître (si l’on dicte devant le clavier, comme je fais parfois en lisant les notes manuscrites, l’énoncé sexe devient **** à l’écran, faire la queue s’écrit ainsi :*****).

D’ailleurs nous sommes quelques-un(e)s à pouvoir en témoigner avec ardeur, avec douceur, et avec infini regret de l’avoir vue partir : Fred est une femme.

  • BOB : affirmation nécessaire dans un récit qu’on suppose  a priori d’assez mauvais genre. Puisqu’YDIT est au clavier…
  • MORANE : d’autant que ça marche souvent par paires, dans la nouvelle «  saison » de YDIT-BLOG, la saison  IV, on va voir.
  • Par pair, impair, passe et manque ? demande BOB.
  • Un peu tout ça, oui, comme nous, ça roule par deux, explique MORANE.

Ce qui n’étonne pas pour un dialogue, précise l’un. Ou l’autre.

Présentations, poursuivons : BOB et MORANE, on a compris ; les détectives pas si sauvages que ça. On ignore encore ce qu’ils enquêtent ? Retrouver Marcel Malbée vivant ? Errant solitaire et dépecé au sein d’un soliloque déprimé ? Mais vivant. Mot d’ordre permanent : « Patience dans l’Azur ». Chasser le Parrain.

En coulisses, pendant ce temps du démarrage, YDIT joue sa mémoire aux dés. Comme dans le plus énigmatique des tableaux de Garouste, Gérard, peintre, et qui se dit fou en couverture de «  L’Intranquille », son autobiographie dialoguée. Comme le peintre, le manieur d’écriture est un menteur à grand nez, et comme le peintre ses coups de toujours provoquent le hasard. Mais Patience, à  cela aussi, on reviendra.

Nous avons entre 190000 et 190001 mots à parcourir ensemble. Voila pourquoi on prend le temps de s’étirer, s’installer, se coussinner. Tant de mots. Vous les comptez? décomptez? Mais ça va aller, ça va aller : on retrouvera, vivant ( usé, cul-de-jatte, minable, rogné de l’intérieur, courbé de partout, en loques dans la tête, mais vivant, vous allez voir) on retrouvera Marcel Malbée, dit M.M., Le Parrain. Die Pate.

Espérons, Espérons, Espérons, sinon : gémissons

Juste pour ceci : qu’il raconte la première fois de cela et comment le gamin n’a pas dit NON, et claqué la porte. Eut-ce été en pyjama. Vert, cette fois, le pyjama. Sur le palier. Après avoir dit NON. Au froid, l’air stupide qu’a toujours celui qui s’en va. Mais qui a dit NON. En haut des marches, seul. Blotti dans l’irradiation du NON

Et le pyjama bien tenu autour des reins, par la cordelette de coton blanc.

A cet âge, Septante et davantage étant venus, posséder le ferme trésor d’un projet vaut mieux que posséder la fragile mémoire d’un sujet. Allons y ! Chassons le Parrain.

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Didier JOUAULT, pour YDIT-BLOG, nouvelle saison, saison 4, Episode DOUZE : Fred est une femme. Bonne nouvelle ? Allez savoir ! prochaine séquence : mercredi 29 novembre, l’hiver arrive, brrr…on est pas si mal au chaud devant l’écran et YDIT-BLOG.

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YDIT-BLOG, Nouvelle Saison, Saison IV , Episode ONZE : Non, moi je ne fais que jouer avec WordPress.

Une autre fois, ils sont assis sept autour de la table, dîner dit de travail. Sur le balcon, les plantes fléchissent sous un faux-semblant de neige parisienne. Pas loin, sur la table du salon, patientent les dossiers. Provoquant un silence, CATHERINE dit : mais on ne sait pas assez que tu es un écrivain….

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Didier JOUAULT, pour YDIT-BLOG , Nouvelle Saison, Saison IV , Episode ONZE : Non, je ne fais que jouer avec WordPress. ( intermède léger après la première salve de vingt posts dont dix épisodes.) Retour au Roman-Images : dans trois jours.

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YDIT-BLOG, nouvelle saison, saison 4, Episode DIX : Tricoter une écharpe bleu nuit, souple, si souple.

INCIPIT : On aurait pu commencer ainsi :  » A midi juste, le mercredi 11 janvier 2017, je range ma voiture à La Roche-aux-Moines, commune de Savennières ( Maine et Loire), devant la petite maison que j’ai louée. » ( Danièle SALLENAVE, « L’Eglantine et le Muguet », Gallimard, 2018)
Mais on a choisi ça :

 » ll était plus d’une heure moins le quart de l’après-midi, et il a été surpris que tous les regards ne lui tombent pas dessus, qu’on ne montre pas d’étonnement parce que lui aussi avait fait des efforts, qu’il portait une veste et un pantalon assortis, une chemise blanche et l’une de ces cravates en Skaî comme il s’en faisait il y a vingt ans et qu’on trouve encore dans les solderies » (Laurent MAUVIGNIER, Des hommes, Les Editions de Minuit, 2009)

Il faudrait, pour la publication de chaque fragment, bref rappel ou long récit, que je dise à nouveau ma place d’ancienne assistante plusieurs fois rappelée auprès de lui par Y.d’I.,dit par tous YDIT et aussi dit Didi, puis que j’évoque le  volumineux envoi nommé «  Lettre de A. », que je me contente d’explorer ici, peu à peu. Mais, qu’on s’en souvienne : «Tout ceci doit être considéré comme dit par un personnage de roman » qui se nommerait Y.d’I.

TEXTE de YDIT, « LETTRE de A », version B.

Jadis on a cassé le cours du récit « Saison 3 » parce qu’il ne courait pas.

Une « saison » ratée (on croirait entendre un tenancier de restoroute en période de pandémie).

Pas pire qu’un rencontre ratée : on s’installe au bord de la petite table ronde, en  marbre  cerclé de cuivre, le garçon s’habille à l’ancienne, vaste tablier blanc, et lorsque l’autre, en face (quels  que soient l’autre et sa raison d’être là), passe la commande, insiste, précise, détaille, exige, avec du citron mais un tiers de tranche et du sucre glace-pas cristal ( sauf si Hôtel Crystal, on y reviendra…), non, glace, seulement, alors on sait aussitôt que la rencontre n’aura pas lieu. Trop d’engrenages contraires, rien qu’à les entendre d’avance la tête grince. Et ensuite, comment s’en débarrasser ? Tous ces autres, les passagers du vide, incasables personnages, visiteurs inclassables, incassables silhouettes, inénarrables bien que racontés ? Silhouettes furtives en tâches pâles sur le drap du matin, amitiés d’hommes dissipées dans le reflet de l’aube et le dernier cri du zinc. Où est la gomme?

Alors que l’urgence est maintenant, évidente : aller à la chasse au Marcel Malbée, dit  MM dit Le Parrain. Et raconter cela. Et pourquoi, il faut chasser. Le faire pour de vrai, ici. Tricoter à quatre aiguille une écharpe de soie, bleu-nuit, bleu-mémoire, si souple.

D’ailleurs, on n’a plus la force d’autre chose que ce récit, avec la vieille femme-mémoire, Septante et davantage à force étant venus.

– Alors, ça recommence ? fait mine de s’interroger BOB ( mais on verra qu’il a toujours tout  deviné, rare finesse du Détective, bonheur de l’Employeur).

MORANE, complice, ricane. Ah! BOB et MORANE…

– YDIT répond (sur la recommandation de FRED qui les solde, il a engagé BOB et MORANE pour l’aider à trouver Le Parrain, à le débusquer où que soit la tanière,  aussi avec eux l’obligation de dialogue ne cesse jamais) répond que, jadis, en famille, quelqu’un aurait dit cela, « Alors ! ça recommence ? », comme d’un reproche, comme pour un gamin surpris à manquer de nouveau l’école ou la messe, oui : ça recommence. La si vaine occupation de sirène mâle : taper un clavier avec peu de doigts et beaucoup de mots. Sirène parce qu’on navigue dans de basses eaux : la saline des mots.

Une écharpe souple, si souple.

FRED  dit : ça serait peut-être bien le moment de commencer, alors, au simple sens d’un début, voyez-vous- le début vrai du récit faux, si on recommence ?

Fred …Vous allez ici la retrouver tout le temps de ce roman-images, prévisionnellement (quel mot !) constitué de 123456 à 198765 mots. Il serait donc assez habile ( simple conseil) de s’habituer à elle, d’éviter les surprises (même si toujours bonnes avec elle, hormis la toute dernière, on verra plus tard, dans presque trois ans ).

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Didier JOUAULT, pour : YDIT-BLOG, nouvelle saison, saison 4, Episode DIX : Tricoter une écharpe bleu nuit, souple, si souple. A suivre, chaque semaine, ou environ. Prochain rendez-vous avec YDIT et vous : mercredi, le 22 novembre. Mais auparavant, une petite bougie d’anniversaire, asynchrone, dans trois ou quatre jours

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YDIT-BLOG, nouvelle saison, saison 4, Episode NEUF : « Certaines, je ne les ai même jamais vues » (O. ROLIN)

INCIPIT : On aurait pu commencer ainsi : « Les bras croisés sur la poitrine et les lèvres entrouvertes, elle s’est endormie »( Frédérique CLEMENCON, « Colonie », Les Editions de Minuit, 2003).
Mais on a choisi ça :

« Les crabes sortirent de tous les trous du sable gris volcanique, tapissé de feuilles mortes, et se regroupèrent en colonnes serrées ». (Maryse Condé, Les derniers rois mages, Mercure de France, 1992)

Note de Madame Frédérique  :

Il n’est pas impossible, après tout, que ce feuillet ne se trouve plus à la place qui semble avoir été la sienne dans la fatras où j’essaie de suivre une logique,– si l’on se rapporte à une chronologie probable et pertinente de rédaction. Mais il se peut également qu’il s’agisse de l’un de ces effets d’écho (ou de rappel, je ne sais comment cela se nomme) qu’on peut observer dans le déroulement du texte (dans la succession des fragments). Ce qu’attesterait la « reprise » à l’identique d’une citation du fameux Rolin ( que je peine à lire : trop de regards sur trop de femmes, est-ce amour immodéré ou insolent irrespect ? Quoi qu’il en soit, fidèle à ma politique de non-intervention, je donne ce feuillet ici tel quel.)

LETTRE de A. Version B. Ydit mène une existence de privilégié, on s’en doute.

Jadis, longtemps, il n’y avait pas du tout d’argent pour la famille et YDIT, à l’époque de l’enfance, aux temps ouvriers. Il ne s’agissait pas de misère, rien que de pauvreté. On n’avait jamais faim – pommes de terre et vague lard de fin de marché. Mais on craignait l’arrivée du froid, que ne parvenait à combattre l’unique cuisinière à charbon de l’appartement. Le pire était les toilettes à la turque sur le  palier, sauf qu’on y croisait de temps en temps de vieux voisins graves, exceptionnelle opportunité de socialisation.

Il est dangereux de se souvenir de ce faux détail : le seul personnage un peu aisé dans l’entourage était Marcel Malbée, dit MM, Le Parrain, Die Pate. Appartement chauffé (pas besoin de ce petit pyjama bleu et rouge, ou blanc et vert, ou bleu et jaune ?), meubles paraissant presque en bon état même si d’un goût désastreux, statuette de faux bronze  reproduisant mal un David paraissant mieux fourni que l’original ( mais YDIT ne connaissait rien de  l’original, ni des canons de la sculpture, ni des étals de marchands aux Puces où l’on pouvait trouver des modèles un peu «  ajustés » aux goûts du connaisseur).

Et surtout, un jour, la 4CV Renault bleu clair, intérieur faux cuir rouge, authentique luxe.

Ce soir, après le dîner, dans l’appartement bien chauffé, verre  de Mac Allan à portée de main,  YDIT  encore cette fois hésite entre deux façons de passer les attentes qui se profilent à l’horizon de l’absence de sommeil. Toujours le sommeil fuyard. Dérouler l’heure qui vient n’est plus projet, plutôt un défi.

On pourrait alors continuer le visionnage de « Glissements progressifs du plaisir », trouvé sur un site étrange où les images sont de mauvaise qualité (on a même rencontré le film dans une version indienne sous-titrée en anglais : superbe gourmandise comme seuls les attentes de la nuit et les Réseaux peuvent en offrir).

Mais, dans « Glissements progressifs du plaisir », hormis les corps de jeunes actrices et les étonnantes peintures que leur impose l’auteur ( on verra que FRED ainsi agit sur le corps de ERIKA : enluminures sur le texte du désir, mais pas cette année sans doute, pas avant 2025 : le roman-images avance trop lentement, c’est délibéré ) ; hormis l’infinitésimale diction de Jean-Louis Trintignant ; hormis la délicieuse onctuosité de Michael Lonsdale,

ce qui intéresse bien sûr est le second  degré, enfin le second degré aujourd’hui, qui ne fut pas dénué de  pontifiante certitude lors de la sortie, tout cet attirail de formes, ces  figures de style, que Robbe-Grillet introduit dans chaque plan : marée, plage, corps,  lits de jeux, lits poussés sur la sable comme des brouettes à goémon, mais ce sont des mannequins démembrés qu’on met à l’eau, à l’air, et lits en feu, peintures et  anacoluthe et métalepse, entre autres. On a aimé tout cela, et ça bimbelotise tellement aujourd’hui.

Les héroïnes sont vêtues d’une simple chemise d’homme, l’une rose, l’autre bleue, posées sur une plage déserte où monte une mer sans pitié et sans ardeur, dans l’atmosphère effrayante construite par le confesseur Lonsdale…Bref tous ces montages et démontages du langage qui conduisaient le spectateur curieux (aussi agacé) à réviser son traité des Tropes avant de payer sa place au cinéma. Nous avons été beaucoup à aimer ce fer-blanc dézingué, mais Septante et davantage étant venus, les Tropes prennent la fuite…


A présent, YDIT  fait à nouveau le choix d’attendre l’espérance de la nuit en la balisant de l’écriture, la meilleure façon de se suspendre, de s’écarter. Sans apprêts sinon sans après. Sans ruses et sans calcul.

Se suspendre aux mots, mieux que se surpendre aux arbres.

Juste cela : l’écriture pour monter sur les genoux la colline vers la nuit. Pénitent gris ?

En somme, « ça » recommence. On veut s’en plaindre ?  Il faut s’adresser à  qui vous savez : Rolin, Olivier, prix Femina : sérieux. Tout ça pour aller à la chasse au MM dit Le Parrain. Naturellement, comme ici est un récit, à toutes fins utiles, on va y parvenir, au Parrain. Le retrouver vivant. Vieux, sale, décharné, mais vivant. Le tenir là et faire disparaitre Marcel Malbée.

Mais ça va prendre du temps : la vie est un long détour par des labyrinthes. C’est compliqué,  les labyrinthes : instables et fuyants, joueurs (dirait-on) comme de jeunes chiens.

Rolin en est familier, de ces matins si petits qu’on les dirait invisibles, et cependant ils sont immenses : trop, vraiment trop bu la veille, ou trop parlé, ou trop lu, ou trop tardé en marchant dehors, ou trop usé des corps. Au lever, cette lenteur des malades même pas convalescents, les malades sans rémission : absence de réaction rapide, aucun muscle solide. Dans la tête comme un voile, entre l’idée mal venue et la parole mal enracinée, la lenteur prudente des malades, ceux qui espèrent guérir. Mais tout le monde sait que rien ne va guérir. Pas comme ça. Olivier Rolin le sait, non, Olivier, vous le savez ?

Lui aussi attend l’espérance de la nuit, sans trouver la chemin du sommeil.

Cette nuit, le temps voisin était à l’orage, et YDIT relisait Rolin, comme on a dit. Le temps à l’orage étrange des outrages qui surnagent. Plus loin sur la  terrasse, ou ailleurs dans l’hôtel, les autres du week-end sommeillaient, écoutaient du jazz à travers les Ipod, feuilletaient des revues d’actualité- comme si l’actualité ne collectionnait pas que les feuilles mortes, toujours.

FRED – on va la connaître, patience dans l’azur- FRED lui passe le bras autour des épaules, geste  familier. C’est tendre et protecteur, YDIT aime ça, parce que l’imprévu est souvent douloureux, et que FRED sait comment prévenir l’imprévu. Même si, comme ce soir où il attend la nuit, et rien d’autre, FRED n’est que mémoire vive.

Oui, pour longtemps, 180.000 à 190.000 mots, peut-être, on recommence. Même 200.000? Pourquoi pas ? Crédit ouvert. Roman. Images. Prendre le temps, mais à revers.

«  Il y aura, je le pressens, pas mal de portraits de jeunes filles, beautés entrevues, touchantes, dans ce livre qui commence (car il a bel et bien l’air de commencer). Dois-je m’en excuser ?

C’est ainsi…rien dans le châtiment immense du monde ne m’a plus ému, rien, même pas la beauté de l’art, de certains tableaux, certaines pièces musicales que j’ai écoutées…Certaines, je ne les même jamais vues. » 

(Olivier Rolin, « Extérieur-monde« , ed. Folio, p.22-23)

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 YDIT-BLOG, nouvelle saison, saison 4, Episode NEUF: « Certaines, je ne les même jamais vues » (O. ROLIN). A suivre …mais on a compris le principe, aperçu la trame, repéré la construction. Donc,on devine : prochain épisode  (numéro DIX) : présentation de Fred. Tout cela peu à peu s’installe, s’étale. Et continue mercredi prochain, scones et thé même en automne : le 15 novembre. 

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YDIT-BLOG, nouvelle saison, saison 4, Episode HUIT : C’est mieux pour bavarder tranquilles.

INCIPIT : On aurait pu commencer ainsi :  » Vert émeraude sur bleu nuit PERIPHERIQUE INTERIEUR FLUIDE PERIPHERIQUE EXTERIEUR FLUIDE. »( Olivier Rolin, Tigre de papier, Editions du Seuil « Fictions », 2002)
Mais on a choisi ça :

TEXTE de YDIT, «  Lettre de A. », version B

Septante et plus étant venus, cette sorte de projet amusant et inutile – aller au terme d’une liste pourtant, non fermée –  marque bien ce qu’il reste à faire, maintenant : s’occuper à créer du neuf au creux du vide.

Marcel Malbée, dit MM, dit Le Parrain, redevenu présent de mémoire après l’oubli de jadis, Marcel Malbée, dit MM, Die Pate…

la première fois qu’il invite le garçon pour une balade inaugurale de la toute nouvelle Renault 4 CV, personne de la famille n’y est encore monté, être le filleul apporte de curieux privilèges. C’est la première fois d’une odeur de mécanique, de siège neuf encombré de soleil, il y a – dans la mémoire des senteurs revenant de Marcel Malbée- d’autres traces : un «  Après-rasage » menthol pas cher- mais l’usage de l’après rasage est un luxe dans la famille-, une vague persistance de talc dans la petite salle de bains- mais l’existence d’une salle de bains est un luxe dans la famille-, l’odeur d’œufs frits au jambon qui rejoint même le lit, mais cela aussi est une première fois brumeuse pour le garçon :  petit déjeuner à l’Anglaise, au lit, déjeuner au lit, à l’Anglaise, chez Marcel Malbée, son lit à lui un peu étroit pour deux, mais le garçon est mince, enserré par le ridicule « cosy » petit-bourgeois ( « cosy »/ « petit-bourgeois » : vocabulaire appris bien plus tard).

Première fois d’un dîner trop riche, aussi, une autre période, un peu après, pendant le court voyage en Forêt Noire offert à son cher petit filleul par Die Pate, on ignore pour quelle occasion- les douze ans ? Treize ? La salle de restaurant moyenne gamme est couverte de lumières trop vives, on ne comprend rien au menu, ça fait fou-rire ( s’il n’y avait eu que les moments à pyjama, aurait-ce été supporté par le gamin ?) la table chargée de choucroutes trop blanches, et « je n’aurais pas dû te servir ce verre de Sylvaner, sans doute, c’était ta première fois de l’alcool, tu es encore jeune pour ça, et voilà pourquoi, dira Die Pate, tu as eu mal au cœur, garçon, et tu  as dû sortir vomir – assez discrètement, merci, je dois dire– sur les bacs à fleurs du jardin« .

De tout ce qui fut la vie ( partielle, rare, régulière, longue dans les rencontres ) en compagnie de Marcel Malbée, dit Le Parrain,  l’enfant ( dix ans ? douze ans ? treize ans ? Il grandit, ça se transforme, ça, va devenir moins attirant? ) conserve des images pour certaines d’une étonnante précision de détails et de gestes -surtout que sa mémoire, d’habitude, construit plutôt des ensembles troubles.

Il peut encore décrire l’après-midi de promenade à deux, après le radin déjeuner dans « La maison Familiale  de Vacances » ( la famille n’avait toujours pas du tout d’argent), et Marcel Malbée qui suggère : «  Tu devrais essayer, tu vas voir, ça fait un peu tourner la tête au début », puis sort un paquet de cigarettes allemandes (ou hollandaises  ?) ERNTE 23, un paquet à dominante orange et lettres rouges (ou vertes ?), et c’était vrai : ça faisait tourner la tête pour la première fois, comme le Sylvaner glacé. Après on a marché main dans la main ( c’était le Parrain, c’était son filleul :  anodin), le  long du ruisseau qui menait à la chapelle ouverte, toujours déserte, oubliée dans le fond du vieux bois. C’est mieux pour bavarder tranquilles, faire ce qu’on a à faire tous les deux. Tranquilles.

Apprendre.

Mais aucun effort, pour long et patient soit-il, jamais, à ce jour, aucun n’a pu reconstituer dans la mémoire ce qui fut LA PREMIERE FOIS de ça, ce jour (ce soir ?) de LA PREMIERE FOIS où l’enfant n’a pas dit NON, n’a pas osé ou su dire NON, n’a pas répondu que, non, il n’avait pas trop chaud du tout, même dans l’appartement surchauffé, près du David de Donatello, et que, donc, non, il n’y avait aucune raison vraie de vraie raison pour commencer à détacher la cordelette du pyjama, puis à glisser le pantalon sur les cuisses, bleu et rouge, le pantalon, comme s’il s’agissait de jambières conservées après le débarras de la cuirasse, ou noir et blanc, le pyjama, taille junior, ou bariolé ( la famille récupérait les dons de la paroisse, des pyjamas usés d’enfants aisés, bien lavés ça va encore ), glissé sur les cuisses jusqu’aux talons, « Parce qu’il fait trop chaud, tu ne trouves pas ? ». Il aurait dû être facile de se lever, de dire : « Non, je rentre à la maison ». Il aurait fallu faire ça. Oui. Partir. Mais non, être ici, déjà, dans le petit deux-pièces rue Dupetit-Thouars, venir là seul un soir signifiait oui.( et au dedans : faisons vite, au moins).

Puis, chez Marcel Malbée, Die Pate, il faisait chaud et bon, parfois on irait au restaurant manger des choucroutes et des fraises chantilly, ici les toilettes n’étaient pas à la turque sur le palier, on n’avait pas froid aux fesses. De toute façon, le pyjama, ni vert émeraude, ni bleu nuit, ni pourpre romaine…Alors, ça peut glisser d’un preste geste des reins, presque tout seul, hop. Arc fin du jeune corps, épaules/talons, en appui, et « Tu peux le retirer tout seul … ».

Bien sûr il peut, YDIT : « Moi tout seul, je le fais glisser, moi tout seul, personne ne l’enlève à ma place, moi tout seul je veux bien« , et c’est déjà dire oui avec les mains. Raconte YDIT. Faut-il le croire?

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Didier JOUAULT, YDIT-BLOG, nouvelle saison, saison 4, Episode HUIT : C’est mieux pour bavarder tranquilles. A suivre, tranquillement ( on est partis pour longtemps ) de semaine en semaine, ou à peu près. Cette fois, on avait le temps des morts. Reprenons le rythme : chaque mercredi, jusqu’à Noel ? On y va ? Donc, prochain mercredi : 8 novembre, heure du Picon-bière ?(Mais y a plus de Picon-Bière depuis longtemps, mon pauvre, diraient BOB et MORANE)

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