RESUME EXPRESS : le personnage YDIT, sa mémoire ayant été « réveillée » par les récits récents, se souvient des jours et nuits avec et chez Marcel Malbée, dit MM, dit Le Parrain, qui lui demandait si- dans le petit appartement rue Dupetit Thouars- le gamin ne voulait pas enlever tout l’entier de son pyjama, tant il fait chaud. Il n’avait su dire NON à la suite. Il sent revenir en lui cette image et cette injustice : James, le jeune ami de plus tard, lui aussi à sa façon privé de pyjama, et corps convoqué pour des mains étrangères, n’a pu rester si longtemps vif et joyeux. Hanged James. Injuste différence. Aidé d’un duo bavard d’enquêteurs, BOB et MORANE ; renforcé par TYNE et FRED, deux compagnes de jadis, YDIT se lance à la poursuite de Parrain, MM. Tout ceci est évoqué/imagé au flambeau d’une mémoire menteuse. Tout ceci est raconté/illustré en lambeaux dans un « fatras » de documents expédié à une ex-assistante ( Madame Frédérique, désignée présentatrice), sous l’appellation « Lettre de A. Version B.« , en hommage à l’incipit de « Extérieur Monde » (Olivier Rolin). La chasse au Parrain, où l’image parle aussi, sarcastique et rebelle, est entrecoupée de diversions diverses. Commencée en août 2023, la publication prendra fin en août 2026.
Note de Madame Frédérique :
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C’est une petite maison propre dans une banlieue paisible. Jusque-là, tout va bien. Dans les pavillons du voisinage aussi tout dort.
NUL NE CONNAIT LE DRAME, sauf l’intéressé, mais il n’en peut désormais parler.
La nuit a été grise, mouillée, on ne sait pas ce que vont devenir les nuages. Jusque-là, on a vu pire. La radio du matin avoue un certain nombre de nouvelles à cause de quoi ça commencera un peu à – tout de même- aller moins bien, le monde en toi, la rudesse ici non nommée, plus mal et même encore moins bien, en toi, sensible au monde.
Puis, ce matin-là, ma vieille (mais alors tu n’étais pas vieille, et tu peines à le devenir ) tu te lèves comme d’habitude. Pas de raison de se presser, s’oppresser.
NUL NE CONNAIT LE DRAME, sauf l’intéressé, mais il n’en peut parler maintenant.
Ni baratin ni calin sous les thyms du braséro éteint, jour banal.
Lui est là, il est tout nu, tout près, ce ne sont pas ses usages de pudeur, pourtant, mais tu ne le vois pas encore, pas déjà : tu tournes le dos à la fenêtre, presses le bouton vert de l’expresso rouge : capsule déca. Tu ne t’énerves jamais. Tu es sensible au temps.
Tu t’es couchée tard, soucieuse, après une séquence de froideur. Non, pas vraiment de froideur, tu ne dirais pas les choses avec ces mots à ton psy, tu le rencontres tout à l’heure, ton psy, chaque semaine, pas de froideur mais de …grisaille, comme vous en vivez parfois, James et toi. Vie de couple, et surtout James ne va pas très bien dans le fond de sa mémoire. Il parle quelquefois son malaise, en général il le tait, il se tait, tout se tait. Mais tu sais. Tout se sait.
En somme, une histoire qui semble embrumée dans son brouillard frais : vous avez, non, plutôt c’est lui qui a ergoté sur le concept de misandrie, probablement issu d’une de ces émissions de France Culture qu’il aime écouter en marchant, en bricolant votre maison, ou pendant certains moments de ses gardes de nuit. La dernière Histoire dont il a parlé, c’était une série sur la Saint-Barthélemy, la mort commandée de quelques-uns, devenue anonyme épidémie de meurtres. Cela l’effrayait, la mort collective, pour rien, une idée. Presque, il en pleurait.
NUL NE CONNAIT LE DRAME, sauf l’intéressé, mais il n’en peut plus parler.
Tu ne comprends pas, souvent, ce qui l’intéresse dans cette sorte d’histoires. Mais au moins, ça lui occupe la tête. Déjà ça. Pour certains garçons à qui on a trop et mal occupé le corps, s’occuper la tête ailleurs est une obligation vitale quotidienne. Ydit a organisé autrement sa résistance, lui – déjà dit dans cette saison IV : par la fuite d’écriture. Mais tu ne connais pas le passé de YDIT. Tant mieux.. Le commun d’YDIT et de JAMES, tout le monde l’ignore, et d’abord James. James : tapi dans les plis et les vagues, un rêve de promenade au phare, mais la lumière est éteinte…
Il noie son histoire dans les plis de pierre d’une mémoire mal taillée pour la survie. Et cela est bien, pas de lumière, car sa tête est encombrée d’images, sinon. Pas d’images, non, de brèves réminiscences plutôt. Son Parrain à lui – mais on ne saura jamais le détail de ce qui fut, ce qu’on lui fit, cordon de pyjama ou pas, tant mieux. On ignore et cependant c’est pareil.
Tu t’es couchée tard après cette séquence de grisaille, toi, tu détestes les brouilles, toi, les brumes dans l’affect, les brouillards dans la tête. Tu as mal dormi sous la couette trop chaude, toujours trop chaude. Il faudrait la changer. Mais ce n’est pas urgent. Urgent : continuer. Chaque matin, continuer.
Dans la nuit tu t’es levée pour ouvrir la fenêtre, pour laisser passer un filet d’air presque tiède. Dans votre chambre de l’étage (les chambres des enfants sont au-dessus) les hautes feuilles et les branches basses du châtaignier forment une sorte de halo de fraîcheur. Tu respires le frais. Tu te penches un peu pour essayer de saisir une feuille, tout en sachant que sauf mouvement favorable du vent ce ne sera pas possible : la banche est trop loin. Dans le mouvement d’extension, peut-être, la courte nuisette de coton léger découvre-t-elle un peu l’ombre serrée au bas de tes fesses. Nul ne regarde. YDIT – un autre jour- aurait sans doute aimé cela,il aime toujours cela, on le sait, mais pas aujoud’hui. Toujours le désir, nul n’y peut rien. Mais non, pas aujourd’hui. Aujourd’hui, découverte de Hanged James. Tout à l’heure.
NUL NE CONNAIT LE DRAME, sauf l’intéressé, mais il n’en peut parler.
Pour toi, tirer la nuisette vers le bas, ce n’est pas dans les urgences. Si James surgit dans la cuisine, tant mieux. Déjà ça…
Not yet hanged James n’est pas dans le lit quand, plus tard encore, tu te réveilles à nouveau. Il aurait dû rentrer à la fin de sa garde, et tu n’as rien entendu. Voilà pourquoi sans doute il fait maintenant un peu froid, c’est l’âpre saveur de l’absence. Le corps de Not Yet Hanged James, tu l’as aimé sensuellement – d’abord à l’école presque mais c’était à l’époque loin du sens-, tu l’as aimé presque chimiquement, comme une amante délivrée, aussi comme une presque mère presque incestueuse qui passe son amour à donner l’apaisement.
Il en fallait de l’apaisement.
Il est si fragile Not Yet Hanged James, ce garçon avec sa blondeur et cette couleur étonnante (émouvante car transparente, agaçante car fragile) que sa blondeur intégrale pose sur les parts les plus intimes de lui, celle que tu connais peut-être mieux que lui, ce blond qui ne cache rien, roses renflements légers qui apparaissent dans leurs plis et sous le mouvement. A Ydit, ça lui aurait rappelé TYNE, la Blonde Africaine, ou les mousses de FRED. Mais FRED ni TYNE ne sont emplies d’images douloureuses, encombrées de mémoire.
La douleur de YDIt sera, toujours, de vivre l’incompréhension de cette injustice, pourquoi tant de mal, et cette fin de ce matin, à cause d’un pourtant si semblable désastre, Die Pate. .
Tu as aimé cela. Cette blondeur.
C’est loin, à présent, mais tu as aimé cela. Cette pâleur même de l’intérieur.
Tu te dis qu’il a sans doute dormi dans la petite chambre d’à côté, James, celle qui fut construite pour la plus jeune des filles. Vous faites souvent cela quand une vague fraîche vous a séparés pour un soir, pour une raison minime et toutefois cruciale ( c’est toujours comme ça : minime et crucial, voilà pourquoi tu seras surprise, et pourquoi toutefois tu vas tout comprendre ). Not Yet Hanged James est fragile, c’est ainsi que chez lui le minime est crucial.
Tu as sommeil encore, il est tôt, mais plus envie de te rendormir. Tu ressens le désir de le retrouver. De parler avec un café. De se regarder, se réconcilier, bonnes habitudes. Il doit être, maintenant, assis à la petite table ronde dans la cuisine, même si tu n’as pas entendu le bruit sauvage de la machine Nespresso. Il y a longtemps que cela ne t’était pas arrivé de manière aussi impérative : tu éprouves le désir de l’entourer des bras, de l’embrasser comme on s’embrasse dans les débuts, ou entre les enfants, et peut-être aussi es-tu dans le désir de le reconduire dans le lit, même si vous n’avez pas trop le temps, pour un rapide mais intense câlin du matin. Jadis, vous le faisiez parfois. Vite et en riant. Jadis.
Dans le lit, sans trop de temps, mais voilà aussi à quoi on reconnaît les amants. Vous aimiez beaucoup cela au début, il disait « Un café, un dodo, et hop, prêts pour le boulot ».
Sans le savoir, du coup, tu restes dans la nuisette légère, laissant sur le bras du fauteuil le gilet tricoté main dont tu te chauffes d’habitude au lever.
Dans la cuisine, parce que tu cherches d’autres capsules Nespresso dans une boîte sur l’étagère du fond, tu ne l’aperçois pas tout de suite.
Tu ne vois rien. Il disait souvent cela, dans les mauvais jours : « Toi, tu ne vois rien ».
Ensuite, tu l’aperçois, soudain, de trois-quarts, dans l’angle du regard, et aussitôt tu te tournes pour lui faire face.
C’est ici qu’il est.
C’est ainsi qu’il est.
Voici l’homme.
Hanged James.
Pendu dans son cou serré.
La branche est assez haute. Il a utilisé le grand escabeau, celui qui sert pour cueillir les fruits les plus élevés, et maintenant il est là, dressé, pour toujours en toi devenu :
Hanged James. Hanged James.
Debout derrière la fenêtre, tu regardes dans le début de votre jardin, et toi tu as le visage au niveau de son plexus. De son cœur. De son estomac. De sa nudité morte. Sa nudité salie de James désormais Hanged. Sans rémission. Cette fois sans rémission.
Lui tourne encore très légèrement. Il ne se balance pas, il tourne. On voit bien que c’est fini. Lui, c’est fini. Tu regardes, un peu noyée dans la stupeur, beaucoup brûlée dans l’émotion, mais tu savais qu’il tenterait cela, tu ne te le disais pas, tu ne te le disais plus depuis qu’il avait raté une autre fois, mais tu le savais. Cependant : pas ainsi, pas cette ténébreuse surprise au réveil. La fois d’avant c’était la taillade, veines tranchées dans l’eau chaude et la baignoire.
Assez de chance pour que tu rentres à temps.
Cette fois c’est fini. Pour de vrai. Il ne t’a pas offert ta chance de décrocher. Gérard Garouste peut bien, dans son tableau Pinocchio et la partie de Dés, se frapper la tempe et rigoler malicieusement, cette fois c’est la bonne. Il tenait beaucoup à son apparence, à la netteté de l’apparence. Voilà pourquoi sans doute il est nu : le moins souillé possible par ce qu’il advient sous hanged.
Le médecin dira que « c’était vers 4 ou 5h du matin, et d’un seul coup« . Hanged, c’est sans recours, les toutes premières minutes passées. Ensuite, pas de recours, pas de retour.
Maintenant il est 7h, et c’est là, devant toi, encadré dans la fenêtre, et ça continue à tourner très lentement.
Tout ce qui se déroule ensuite, on n’en sait rien, on le devine, ou plutôt viennent toutes les questions qui resteront sans réponse faute de t’être posées : qui préviens-tu en premier ? As-tu essayé quelque chose pour si jamais, encore ? Une fois qu’ils sont arrivés, que font-ils de l’escabeau repoussé ? Ils le redressent et s’en servent pour le descendre ? Comment fait-on, fait-il, l’homme, là-haut : quelqu’un dénoue ? On coupe la corde ? À quel moment la cellule d’aide psychologique arrive-t-elle pour te porter secours ? Quand les brancardiers l’ont emporté, y a t- il quelqu’un qui vient ensuite pour nettoyer ce qui était issu de lui pendant la pendaison ? Ou bien on s’en fiche : c’est le jardin, sous l’arbre. Et quand on l’a décroché, aussitôt, ce n’est plus que le jardin, à nouveau, dîners d’amis l’été, fruits hauts.
Un jardin libéré de son pendu revient au primordial de la terre.
Jardin du matin.
Matin dans le jardin.
Noms pour des parfums de chez Hermès.
Et, aussi, c’est une petite maison propre dans une banlieue paisible. Jusque-là, tout allait bien. La nuit avait été grise, mouillée, on ne savait pas ce que vont à présent devenir les nuages. Des voisins vont s’éveiller, regarder la voiture rouge.
Jusque-là, on a vu pire. Pas toi.
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YDIT-BLOG, Nouvelle saison, Saison 4, épisode VINGT-CINQ : Matin du Jardin. Jardin dans le Matin. Ni baratin, ni satin. A suivre …si on peut ? On respire, on prend un verre, on se retrouve le 6 mars n’est ce pas ?( encore un mercredi, la Sainte Colette, donc ce n’est pas le jour de plaisanter…)